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De l'histoire de
supermarché...

Collectif dirigé par Renaud Escande
Le Livre Noir De La Révolution Française (2008)



Introduction :

L’autre jour - alors que fuyaient les derniers jours de l'été, je vis à la fnac un ouvrage fraîchement édité qui s'intitulait "Le livre noir de la Révolution française". Je pensai l'acheter et m'en repaître des nuits durant étant donnée son épaisseur ahurissante. Seulement, étant donnée son épaisseur ahurissante, il coûtait 44 euros. Lorsque je pris connaissance du prix, je me rendis immédiatement compte que je n'avais pas besoin de ce livre. Le soir même, auprès de M. et de E., je me plaignais du prix exorbitant des ouvrages d'histoire et de la culture qui n'était pas à la portée des plébéiens qui avaient tout de même grandement contribué à la faire, cette putain de Révolution.

Cet après-midi, dans une bibliothèque bien moche du 11e arrondissement, j'ai emprunté "Le livre noir de la Révolution française". Je l'aurais bien acheté, maintenant que je suis riche, mais j'avais réservé deux billets de train la semaine précédente. Eh oui, dans la vie il faut faire des choix : se cultiver ou prendre le train. Etonnant dilemme quand on sait qu'une lecture est la bienvenue dans un TGV.

Le livre noir du livre noir :

A première vue, ce livre semblait être un "en vérité c'était l'inverse". Il est assez fréquent finalement de trouver des ouvrages d'histoire dans lesquels nous apprenons qu'en vérité, c'était l'inverse. Dans "Le royaume de monsieur Colbert" de Daniel Dessert, on apprenait que Louis XIV ne régnait pas (eh non, c'était Colbert) ; dans le "Louis XVI" de Petitfils, on apprenait que le gros Louis n'était pas un benêt et un idiot dépassé par les événements, etc. Vous êtes persuadé que vous détenez une vérité historique ? Attention il existe forcément un historien qui viendra vous dire que c'était l'inverse. Eh oui, comprenez bien que tout a déjà été dit et redit sur ces périodes reculées, et comme les archives inédites ne surgissent pas tous les mois, il est important de dire l'inverse pour relancer la machine. Parfois c'est acceptable puisque les théories sont étayées ; d'autres fois, c'est davantage condamnable. Dire l'inverse pour dire l'inverse, ce n'est pas très honnête.

Dans l'avant-propos du "Livre noir", il y a la phrase suivante : "l'histoire ne s'écrit pas comme la mythologie, et son exigence de vérité ne devrait pas s'encombrer des intérêts et des visées utilitaristes". C'est pour cette raison, sans doute, que la plupart des articles sont extrêmement orientés et parfois même à la limite du raisonnable. Après une lecture succincte (le bouquin fait ses 900 pages), l'impression qui en ressort est qu'il s'agit d'un ouvrage de propagande catholico-nationalo-monarchiste de droite.

Les "spécialistes" se sont globalement offusqués de ce bouquin parce qu'il renvoyait l'image d'une Révolution dont les bons comme les mauvais côtés étaient à l'origine de toutes les horreurs à venir. Non, avaient-ils tendance à dire, c'était super cool, la Révolution ! Les détracteurs des détracteurs leur répondaient donc qu'ils refusaient de voir la vérité en face, que la Révolution était une période sanglante, que les Vendéens avaient été massacrés, etc. Finalement, c'était un peu les partisans de la Révolution toute géniale contre ceux de la Révolution toute pourrie.

Pour ma part, il ne me semble pas qu'il soit question de manichéisme. La Révolution - comme ses personnages - est une chose ambiguë. C'est aussi ce qui me plaît. Quand je vois les reproches faits à Camille Desmoulins ou à Danton, j'en reste coi. Non Desmoulins et Danton ne sont pas exempts de tout reproche et TANT MIEUX. Oui Danton n'a rien fait pendant les massacres de septembre, oui il s'est enrichi de façon louche, oui Desmoulins a contribué à envoyer Brissot et Hébert à la guillotine ; pourtant Brissot était témoin de son mariage comme Robespierre, également témoin, enverra Desmoulins à l'échafaud. C'était un temps où il ne valait mieux pas se marier et être témoin de mariage. Moi je dis HEUREUSEMENT que la dualité existe, HEUREUSEMENT qu'ils ne sont pas tous pleinement gentils avec des fleurs dans les cheveux. Sinon quoi, les révolutionnaires porteraient des vêtements rose bonbon et une écharpe bleue tralala ? On est pas dans un manga pour gonzesses, merde !

Bref, si ce "Livre noir" est condamnable, je pense que c'est surtout parce qu'on y trouve - au milieu de choses forts honnêtes - des articles qui relèvent du parfait n'importe quoi. Pour faire dans le provoc-réac, des mecs se sont lâchés, quitte à partir dans des directions ridicules et à faire de l'histoire de supermarché. Lorsque j'ai commencé à lire ce bouquin, j'ai été immédiatement surpris par le nombre impressionnant de références au nazisme et à la Shoah. Quel est le rapport entre la Révolution et la seconde guerre mondiale, me suis-je dit ? Eh bien d'après certains auteurs de ce livre, TOUT : les jacobins étaient des nazis, les vendéens des juifs, les juifs des juifs (aussi), Robespierre un bolchévique, Danton un facho et l'antisémitisme, c'est la faute de la Révolution française ! Si votre voisin vous emmerde, c'est aussi probablement à cause de Mirabeau et de Marat !!

La provoc de la provoc en quatre exemples :

Ici les titres sont racoleurs ("Saint-Just fasciste ?", "Le massacre du 10 août", etc.), l'angle d'attaque forcément négatif et les ouvertures sur l'avenir systématiques, comme je l'ai dit plus haut : Montagnards, SS : même combat. Parfois les allusions sont pertinentes et je me renseignerai davantage : le chapitre de Reynald Sécher sur le génocide vendéens, par exemple. D'autres fois je n'ai rien appris : Louis XVII a été maltraité, eh oui, tout le monde le sait déjà. Ou bien - et je m'en tiendrai là - ce que j'ai lu m'a laissé totalement interloqué.

Exemple 1 : Déjà, si vous me permettez, on ne peut pas être quelque chose qui n'existe pas encore. Lorsque je lis "Un siècle et demi plus tôt, les Jacobins ne disaient pas autre chose (que Mussolini)", je me dis qu'à l'université on m'aurait tué pour un tel laisser-aller. Les jacobins ne peuvent pas être des nazis ou des fascistes. Le fascisme, c'est le mouvement mussolinien des années 1920 alors que la Révolution, ce sont les années 1790. Enfin, diable, je ne vous apprends rien ! Une vraie bonne réflexion serait de voir à quel point les fascistes et Mussolini ont repris les discours jacobins plutôt que de savoir si Saint-Just était un fasciste. Je ne sais pas moi, ce serait comme dire qu'Henri IV était sarkozyste. Non, franchement, Henri, tu déconnes.

Exemple 2 : Tout ça pour vous dire que j'ai eu mon lot de théories fumeuses qui mélangent savoir adulte et méthode niveau lycée. On reproche ainsi aux Révolutionnaires de ne pas avoir compris la "question juive" (puisqu'on en est au parallèle, reprenons donc les expressions des années 1940). Il en va donc d'un discours sioniste anachronique (le sionisme est né à la fin du XIXe) concernant des mecs de 1790. Eh oui, putain, Robespierre, il fallait donner la Palestine aux juifs !! C'est à se demander à quoi pouvaient penser tous ces jacobins.

Exemple 3 : D'autre part, un "historien, journaliste" se demande si on fêtera le tricentenaire de la Révolution en 2089. Selon l'auteur, "la Révolution a poussé sur un terreau chrétien". Or, comme la France de 2089 sera majoritairement d'origine étrangère et musulmane et que la culture française sera en pleine déconfiture, les principes révolutionnaires n'auront plus de sens pour personne. Seulement, moi je dis : quel est le rapport avec la Révolution ? Est-ce la faute de Hérault de Séchelles et Couthon si en 2050 le Maghreb, l'Afrique Noire et la Turquie représenteront 30% des naissances en France ? Et qu'en sait-il, cet historien-journaliste, du tricentenaire qui aura lieu dans 80 ans ?

Exemple 4 : Et finalement, mon préféré, le frère Jean-Michel Potin (oui, un religieux) propose l'un des plus vibrants syllogismes qu'il m'ait été donné de voir depuis assez longtemps (doublé d'une ellipse délirante). Voici le chef d'oeuvre, je cite :

1. Dieu a fait le choix d'aimer Israël.
2. Tout acte politique doit puiser sa source dans cet acte divin.
3 . L'abbé Grégoire avance l'idée que les juifs doivent être comme les autres.
4 . En choisissant l'égalité pour les juifs, les révolutionnaires français refusent un choix politique basé sur l'amour au profit d'une nature humaine convertie.
5. Parce que les juifs n'ont pas pu entrer de force dans cette ressemblance qu'on leur présentait, nous savons comment a été réglée cette impossibilité de l'égalité cent cinquante ans plus tard.
6. Parce qu'ils ne pouvaient être comme les autres, il fallait faire disparaître physiquement les juifs, seul moyen de créer une véritable égalité entre les hommes.
7. Ce que les révolutionnaires ont voulu faire (faire disparaître les juifs), Hitler l'a réussi en Europe.
Oui, vous avez bien lu !!! Ce pauvre abbé Grégoire - qui souhaitait l'égalité entre juifs et non-juifs - est le précurseur de l'hitlérisme, du nazisme, des massacres de masse et de la Shoah !! Les révolutionnaires ont voulu faire disparaître les juifs ? Dieu tout puissant, comment peut-on décemment écrire une chose pareille ?

Et pour couronner son intervention, Potin termine son chapitre par ceci : "l'image et la métaphore politique la plus réussie de ces dernières années, nous a été donnée avec Le seigneur des Anneaux de J.R. Tolkien" et il prend une page pour raconter la fin du "Retour du roi" et de conclure que "toute autorité vient de Dieu et c'est ce don qu'il convient d'aimer"...

On ne peut qu'être admiratif devant un travail d'historien aussi sérieux, qui ne s'encombre pas d'intérêts et n'a pas de visées utilitaristes. D'autant que Potin n'a dû voir que le film car le Seigneur des Anneaux, ce n'est pas vraiment de "ces dernières années".

Conclusion :

Comme j'ai débuté fort et que j'ai continué très fort, je me dois de finir dans un maelstrom furieux de violence inouïe. Je terminerai donc en faisant une brève allusion à la seconde partie du livre intitulée "Le génie". Elle est consacrée à des "génies" qui ne portaient pas la Révolution dans leur coeur, tel Chateaubriand qui - nous le savons - était un bigot royaliste, ce qui n'enlève rien au fait que je l'aime bien. Bigot royaliste, après tout, nous avons connu pire. Cependant il y a un "génie" sur lequel je me permets de conclure, il s'agit de Charles Maurras (p. 699). Pour ceux parmi vous qui ne travaillent pas au Mémorial de la Shoah, sachez que Maurras - un mec de chez moi, natif de Martigues - était un monarchiste nationaliste antisémite, antiprotestant, vichyste, pétainiste, dénonciateur de juifs et qu'il a été condamné à perpétuité et à la dégradation nationale en 1945. En voilà un beau génie pour nous prouver que la Révolution n'a engendré que des horreurs.