Daniel
Dessert
Le
Royaume De Monsieur Colbert (2007)
Introduction de l'Histoire :
Je vous replace dans le contexte.
Louis XIV est né en 1638.
Il est roi à 5 ans, à
la mort de son père. Le
royaume est alors dirigé
par Mazarin pendant 18 ans. En
1661, Mazarin meurt, Louis a 23
ans et décide de diriger
la France seul. Le début
de son règne personnel
coïncide avec l'arrivée
aux finances du royaume de Jean-Baptiste
Colbert.
Théorie de Daniel Dessert
:
La France a eu coup sur coup trois
ministres que d'aucuns mettent
sur un piédestal car ils
étaient géniaux,
avant-gardistes, remarquables
gestionnaires, diplomates de talents,
etc. Il s'agit de Richelieu (jusqu'en
1642), Mazarin (jusqu'en 1661)
et Colbert (jusqu'en 1683). Si
ces trois hommes furent réellement
ce qu'on en dit, comment expliquer
que la monarchie française
se soit écroulée
seulement 75 ans après
la mort de Louis XIV ?
Voilà le point de départ.
Pour Dessert, Colbert n'est pas
un réformateur ou un inventeur,
mais un saligaud, un menteur et
un fourbe. Mazarin aurait détourné
de l'argent lorsqu'il dirigeait
l'état (comme l'avait fait
son illustre prédécesseur,
Richelieu) et à sa mort,
il est littéralement pété
de thunes alors que les finances
du royaume sont moribondes. Colbert,
créature de Mazarin (j'adore
le mot "créature"),
se doit de cacher cette horrible
chose. Pour ce faire, Mazarin
rédige un testament tout
bizarre et Colbert s'escrime à
mentir. Il faut sauver la face
du cardinal (et accessoirement
la sienne) et si les caisses de
l'Etat sont vides, il y a forcément
un coupable. Ce coupable sera,
plouf, plouf, Nicolas Fouquet
! Que vient faire Fouquet dans
cette histoire ? Eh bien il est
le surintendant des finances et
le seul capable (avec Colbert)
de gouverner à l'ombre
du roi. Du coup, il est de bon
ton de l'éliminer de l'équation
qui dès lors devient simple
: premier ministre = Colbert.
A la suite d'un procès
à l'accusation douteuse,
Nicolas Fouquet se retrouve exilé
Dieu sait où.
Parce que Louis XIV est globalement
incompétent, le royaume
est dirigé par Colbert
qui cumule petit à petit
plusieurs postes clés (dont
la marine) et place les membres
de sa famille et ses créatures
(j'adore) aux postes restants.
Sur le dos de l'Etat, grâce
à sa conception clanique
du pouvoir, Colbert se remplit
les poches. Et pendant que Louis
faisait des combats navals miniatures
dans les bassins de Versailles,
Colbert régnait.
Wow !
Le livre :
Daniel
Dessert est un auteur duquel nous
n'aimons pas être privé
(elle est drôle celle-là).
Dessert est un des historiens,
avec Jean Meyer, a m'avoir fait
aimer les bateaux. Il a écrit
en 1996 un ouvrage intitulé
"La Royale" duquel je
ne garde aucun souvenir mais je
me rappelle l'avoir un peu lu,
ce qui est déjà
bien. L'homme est spécialiste
de l'économie et enseigna
à l'école navale
; il est donc absolument INEVITABLE
qu'il écrive sur Jean-Baptiste
Colbert qui mania autant l'argent
que les bateaux. La question que
le lecteur avide d'histoire moderne
pouvait se poser était
la suivante : "Pourquoi écrire
ENCORE un ouvrage sur Colbert
?" La réponse est
simple, mon ami, Daniel Dessert
a sa théorie exposée
plus haut. Et là, vous
vous dites que sa vision est particulièrement
révolutionnaire, si je
puis dire. Eh bien non, car un
auteur méconnu a déjà
écrit une chose semblable
en 1989 dans un ouvrage intitulé
"Louis XIV prend le pouvoir
: Naissance d'un mythe ?"
que j'ai également lu sur
la lancée. Et cet auteur
méconnu, c'est Daniel Dessert
! En bref, il fait du recyclage
mais avec une couverture bien
plus belle et du papier qui sent
le neuf.
Et s'il est absolument vrai que
le papier sent le neuf, il est
également certain que Dessert
a déjà tout dit
(avec autocitations à l'appui)
il y a bien des années
dans des écrits sur Colbert
en 2000 et en 1975 (!!) ainsi
que sur la fortune de Mazarin
(la base de sa théorie)
en 1976. Rien de nouveau en somme,
je prends le train en marche.
C'est beau d'avoir des diplômes
et d'ignorer les théories
tonitruantes d'il y a plus de
30 ans dans sa propre période.
"Le royaume de monsieur Colbert"
n'est pas un bouquin vraiment
intéressant pour le lecteur
lambda (moi, en l'occurrence).
Je n'ai nul besoin d'avoir tous
les chiffres des sommes gagnées
ou dépensées par
Colbert ; je n'ai pas besoin d'avoir
le détail du procès
de Nicolas Fouquet. Dessert nous
en donne des pages et des pages
que j'ai sautées. Un tableau
eut été plus parlant
mais ni l'esprit de synthèse,
ni l'esprit pratique ne font généralement
partie de l'esprit historien.
Et pourtant, Dessert n'est pas
des pires. Pour moi, "Le
royaume de monsieur Colbert",
c'est 110 pages (sur 304). L'introduction,
la conclusion et le début
du livre sur les malversations
de Mazarin. Le reste est annexe.
Pour finir et parce que j'aime
les historiens qui crachent sur
les historiens (j'en suis), je
cite Daniel Dessert : "Ainsi
le système louis-quatorzien,
loin d'être clair, repose
sur une sourde équivoque,
entretenue par les passions antagonistes,
qui ont obscurci le problème
comme à plaisir sous l'Himalaya
des certitudes assénées
avec tant d'aplomb. Trop d'historiens,
ignorants par état ou paresseux
par nature, ont conforté
tous les poncifs, ces fondements
infaillibles de leur inébranlable
fatuité."
Vous voyez, les historiens "ignorants
par état ou paresseux par
nature", je ne les ai pas
inventés. Et vous aurez
également constaté
que Dessert se la joue question
verbiage.
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