L'autre
jour, j'ai rencontré un
fan de Yes... Je parle de celui
d'avant (le groupe pas le fan...)
Oui,
ça peut exister un fan
de Yes ! Parfaitement.
Même
qu'il n'a pas un oeil au milieu
du front. Il ne se balade pas
non plus avec un vieux tee-shirt
où est écrit 90125.
On le voit encore moins se baffrer
d'un thon mayonnaise. D’ailleurs,
affirmer que le thon mayonnaise
est à l'amateur de Yes
ce que la sardine est à
l'huile, c'est comme si, ayant
vu à un concert de Radiohead
un gars s'envoyer une daube, tu
affirmais que les amateurs de
Radiohead aiment la daube. Bon,
d'accord, l'exemple est mal choisi...
Bref,
le fan de Yes n'aime pas forcément
le thon mayonnaise. Il bouffe
un peu de tout comme toi et moi.
Plutôt toi car moi je suis
au régime.
Le
fan de Yes est donc un homme comme
les autres. Affable. Bien élevé.
Et pas con. Pas forcément
borné non plus. Il est
aussi capable de discernement.
Il peut même te faire la
liste des daubes du groupe. C'est
dire.
Le
fan de Yes, tu le vois dans la
rue, tu le prends pour un fan
de Serge Lama. Ca prouve à
quel point il est banal... et
vieux. Tenace aussi. Constant.
Fidèle et courageux. Il
faut l'être pour encore
continuer de suivre un groupe
qui, depuis belle lurette, ne
sait plus très bien lui-même
où il va.
Il
faut aussi les comprendre les
Yes. Ils en étaient au
moment de ce "Magnification"
à leur... je ne sais plus...
album et l'inspiration, cette
jolie muse qui n'est pas forcément
une fonctionnaire arrivant à
heure fixe, les avait depuis longtemps
quittés. Pourquoi continuaient-ils
alors ? me dirais-tu. C'est une
très bonne question à
laquelle je tenterai de répondre
à la fin de cette chronique.
Donc,
l'autre jour, je rencontre un
fan de Yes qui me dit que cet
album d'il y a plus d'une vingtaine
de piges est différent
car les Yes jouaient alors accompagnés
d'un orchestre symphonique comme
le firent plein de musicaux avant
eux, je te cite ceux qui me viennent
à l’esprit :
Deep Purple, Womanowar, The Death
Of My Guitar et même Metallica.
Bref,
moi qui restai tantôt totalement
indifférent aux dernières
parutions du vieux combo, je me
suis dit, titillé par le
concept et, en moi-même,
c'est mieux : "Pourquoi pas
?" Et j'ai écouté
"Magnification".
Figure-toi
qu’il n’y a pas Wakeman.
Un orchestre symphonique le remplace.
Il fallait ça. Cet orchestre
intervient souvent correctement
coulé dans l'ensemble (c'est
le point positif de l'album) même
si parfois ça sonne un
peu générique de
téléfilm. La voix
d'Anderson va plutôt bien
avec les cordes. Il y a bien quelques
titres qui transportent un peu
("En la présence de..."
par exemple). D'autres sont franchement
insupportables comme "Tu
peux imaginer", "Donne
de l’amour chaque jour"
ou "Te casse pas" pour
ne citer que les plus mauvais
titres... en français,
je préfère. Yes
ne proposait plus dans la majorité
des titres que des redites du
plus médiocre de sa discographie
avec Anderson mais sous un emballage
différent.
Depuis
longtemps l'appellation "rock
progressif" ne collait plus
à la musique de Yes. Ce
n'est pas très important
en fait. A la limite, je m’en
fous. Ce qui attriste, c'est que
le groupe ennuyait avec cette
oeuvrette. Il avait plié
sous les coups de boutoir du temps.
Il s'était vulgarisé
par manque d'idées et s'était
peu à peu éteint
sous le souffle de l'avancée
des autres musiques. Yes semblait
alors au bout du rouleau tentant
de cacher sous le clinquant d'un
orchestre symphonique la banalité
de son discours.
Maintenant,
pour répondre à
la question posée plus
haut, j'aimerais donc, pour que
le groupe, au lieu de persister
laborieusement encore des piges,
avec ou sans Anderson, qu'il nous
sorte dans peu de temps un album
unplugged, puis un a capella,
et un avec les Choeurs de l'armée
rouge. Encore un avec un big band
de Jazz, un autre accompagné
des Polyphonies Corses, un autre
encore avec l'Ensemble Musical
Provençal avec fifre, galoubet
et tambourin, un aussi avec les
Choeurs Grégoriens de la
Chapelle Papale Saint-François
d'Assise, un autre plus tard encore
avec les solistes de l'Ensemble
Intercontemporain et pour finir
en beauté un avec la Fanfare
de l'armée française.