"Du lait chaud dans un bol vert" est le dernier en date des romans du célèbre écrivain nippon Tegashi Yamataka. Ce livre est dans la continuité de l'oeuvre de ce grand maître de la littérature japonaise actuelle dont a déjà été traduit en français le best-seller "Du papier chiotte sur les carreaux des ouaters."

Ce livre qui fait 42 pages d'une grosse écriture times new roman raconte à la façon d'un procès verbal, dans un style très kafkaïen, ce moment d'une vie où ayant réussi à se lever, on passe tant bien que mal au petit déjeuner après avoir erré comme une âme en peine dans la maison et pissé, hagard, dans le débarras.

"Du lait chaud dans un bol vert" est un roman autobiographique raconté à la première personne et le héros Ykihiro est Yamataka lui-même. D'ailleurs n'a-t-il pas affirmé récemment, je cite : "Ykihiro, c'est moi !"

La vie quotidienne dans son angoissante banalité est un thème philosophique récurrent chez Yamataka. On le trouvait déjà dans son premier roman "Qu'est-ce qu'il y a ce soir à la télé ?"

Très prenant du début à la quarante-deuxième page, ce livre - dont la force réside dans des concepts non-exprimés, des idées sous-jacentes et des non-dits -, montre, selon les propres mots de Yamataka, "à quel point c'est chiant d'aller au boulot". En effet, le héros, Ykihiro, mal réveillé, suite à une joyeuse nuit de biture, doit se préparer à retourner à un travail dont l'auteur, malicieusement, ne nous dit mot. D'ailleurs Yamataka ne parle presque de rien. Le livre commence au moment précis où le héros s'assoit à sa table. Il se termine quand il a vidé son bol, euh... vert.

Avant de terminer cette chronique, permettez-moi de citer un passage de cet ouvrage inoubliable et symptomatique du génie souvent mal compris de Tegashi Yamataka et afin aussi de vous faire une petite idée. Il s'agit du troisième chapitre qui débute à la page 31 et s'intitule : "Je me boufferai bien une autre tartine."

Après avoir raconté dans le chapitre précédent qui va de la page 20 à la page 30 qu'il a mis du sucre dans son lait chaud, Yamataka nous raconte comment son personnage, Ykihiro, beurre sa tartine.

" Je cherche alors le couteau qui doit se trouver à ma droite. Le regard vitreux, je racle ma main contre des miettes de pain. C'est désagréable. Ca y est, je le touche enfin ! Je l'attrape et le serre. Après, je le dirige vers le beurre. Ce dernier est à ma gauche à côté de la baguette de pain. Je passe lentement la lame sur le beurre qui se coupe facilement en un morceau assez fin. Je l'étale alors sur ma tartine. Puis, je la trempe dans le lait maintenant moins chaud. Après, je me laisse aller à quelques gaz. Ca fait du bien !"

Bon, maintenant, je vais me lire le nouveau roman de l'écrivain auvergnat Didier Portecaisse : "Et si je rentrais la voiture au garage."