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Roger Waters
The Wall Live : Bercy, 31 Mai 2011

 



Avec un petit quart d'heure de retard (n'est pas Axl Rose qui veut) "The wall" débute par un speech, non pas celui qui nous demande de ne pas utiliser de flash, mais un extrait de "Spartacus" de Kubrick : "slaves you were and slaves you remain" puis tous les esclaves se lèvent en disant "I'm Spartacus !". Les projos éclairent la foule, tout le monde est Spartacus à Bercy. Pas moi, cependant, puisque je suis Maximus, Russel Crowe étant mon sosie. Mais les deux soldats sur scène s'en moquent, jette la poupée Pink et on entend la mélodie d'"Outside the wall" puis vient "In the flesh" avec pétards et lumières tournoyantes. Papy Waters apparait pour la première fois, avec son t-shirt noir. Il enfile son long manteau de nazillon à marteaux croisés pour ses quinze lignes de chant. Puis l'image d'un chasseur en rase-motte fait pétarader la scène avant qu'un avion en polystyrène ne vienne directement du troisième balcon se crasher sur scène et faire exploser un pan de mur. A ce moment là, c'est bon, tu es dedans.

Vous n'étiez pas à Bercy pour voir Roger Waters ? Vous vous en moquez parce que vous connaissez l'album par coeur ? Eh bien vous avez tort parce que ce "The wall" ne s'écoute pas davantage qu'il se regarde. D'ailleurs il se regarde davantage qu'il s'écoute. Ce concert est une démesure absolue. C'est de la scénographie avant tout, des effets à grandes louches, au centimètre et à la seconde près, une débauche visuelle permanente. Les concerts de Pink Floyd de 1980, en comparaison, sont d'une sobriété désarmante. Pour le coup nous savons où est passé notre argent. Quand on sort son pognon pour voir un mec assis sur une chaise jouer de la guitare acoustique, ça fait mal. Ici, outre le mur de 70 mètres, il y a des images en permanence sur l'oeil floydien ou sur le mur, quelques effets pyrotechniques, des porteurs de drapeaux, les personnages gonflables et j'en passe. C'est de la mégalomanie pure et totale comme je l'aime.

Pour le deuxième morceau, "The thin ice", apparait la photo du père de Waters, mort en 44 à Anzio. C'est le point de départ de la thématique de la tournée, le "honor a fallen loved one" lancé sur internet il y a une paye par Waters. Ainsi durant l'entracte pourrons-nous voir projetées sur le mur des photos et des petites bios de gens morts... D'aucuns l'ont reproché à Waters, "The wall" n'étant pas un album sur le devoir de mémoire. Mais la plupart sont passés outre et sont allés boire une bière en attendant "Hey you". Mais nous en sommes toujours au début du concert avec la première intervention de... hmm... Robbie Wyckoff, il me semble, pour les passages chantés originellement par Gilmour. Il s'en sort bien, pour l'instant, même si son feeling ne force pas l'admiration. Quoi qu'il en soit le groupe, ce soir, est totalement annexe. Roger Waters est l'idole, "The wall" est son oeuvre conceptuelle extravagante, le reste est anecdotique. Le projecteur de l'hélicoptère éclaire le public, "You ! Yes, you !" et le professeur gonflable descend sur la droite de la scène, éclairant la fosse de ses yeux rouges. "The Happiest Days of Our Lives" est suivi de l'inévitable "Another Brick in the Wall, Part II". C'est le premier moment réellement festif du concert avant que Pink ne s'engouffre derrière son mur. Des enfants montent sur scène pour chanter le refrain en playback, repris avec bien plus de force par le public. Un public, d'ailleurs, pas forcément aussi vieux que je ne l'aurais imaginé. Je précise cependant que j'étais dans la fosse, les sexagénaires avaient dû opter pour les gradins. Puis les solos de gratte et les gosses qui s'attaquent au professeur ballonné qui finit par se dégonfler.

En parlant de playback, sachez que ce live sent la présonorisation à plein nez. Que Roger Waters ne chante pas réellement en concert ne m'avait pas traversé l'esprit. J'avoue d'ailleurs ne m'être jamais posé la question. Il aura donc fallu que je le voie en vrai, finalement, après l'avoir raté en 2007, pour constater qu'il y a quelque chose d'anormal là dessous. Rien que "The trial" où il joue tous les personnages après deux heures de show et se tape le luxe d'être parfaitement synchronisé avec les images mettrait le doute au plus crédule. Waters a composé pas mal de chansons casse-gueule, voire carrément suicidaires (sur "The final cut" je m'arrache toujours trois cordes vocales), et elles le sont d'autant plus qu'il a une voix limitée, qu'il se produit quasiment tous les soirs pour les besoins de la tournée et qu'il a 67 ans. Combien Waters a-t-il réellement chanté de morceaux ? Je serais bien incapable de vous le dire, et je ne parle pas des bandes musicales. Que voulez-vous, le spectacle est tellement colossal qu'il faut bien manigancer un peu pour que tout concorde. Pour le coup, aller voir "The wall", c'est un peu comme regarder un match de catch. On sait que c'est du chiqué, que c'est pour de faux, mais on en ressort quand même avec la sensation d'avoir assisté à un vrai spectacle d'une intensité considérable. Evidemment, le concept, lui aussi, finit par se diluer presque totalement dans l'image. Pink est triste, sa femme le trompe, il s'enferme derrière son mur ? Ouais, peut-être, mais ça en jette à mort, les mecs !

Bref, "How can you have any pudding if you don't eat your meet ?" Question pertinente. Waters se présente alors seul sur le devant de la scène avec sa sèche pour nous jouer "Maman", comme il dit, ici en version deux solos. Il le fait en parfaite synchronisation (encore) avec une vidéo du lui-même de 1980 projetée sur le mur. Le public réagit aux lignes de chant clefs, selon la tradition, et lorsque Waters dit "mother should I trust the government ?", un énorme "jamais de la vie" s'affiche d'un côté du mur et un "no fuckin' way" de l'autre. Tous les watersiens de Bercy qui n'ont pas leur carte UMP sont délirants d'enthousiasme. Une énorme caméra observe le public depuis l'écran circulaire, "Big mother is watching you". Sachez qu'il y avait devant moi - et ceci n'a rien à voir avec la mise en scène - une sorte de grand type qui a passé la plupart de son temps à regarder derrière lui (c'est à dire par dessus ma tête). L'idée même de mettre 70 euros dans une place de concert, dont l'une des qualités premières est le visuel, et de regarder sans cesse en arrière, vous fascine, j'en suis sûr. Moi aussi j'ai été fasciné jusqu'à changer de place. Voir régulièrement la gueule de ce mec m'a rapidement ennuyé.

Mais nous en sommes à "Goodbye Blue Sky". "Look mummy, there's an aeroplane up in the sky" dit Harry Waters, le même qui, avec 30 ans de plus, joue des claviers derrière le mur. Des bombardiers en vidéo déversent des logos de Shell, des dollars, des croix chrétiennes, des étoiles de David, le croissant et l'étoile de l'islam et nous serons réellement bombardés, à la fin du concert, de ces symboles en papier crépon. Puis "Empty spaces", "Young lust", "One of my turns", "Don't leave me now" avec son énorme femme mante religieuse gonflable. Et finalement "Goodbye Cruel World", Waters se recule, goodbye, goodbye, goodbye, le dernier parpaing est mis en place, le mur est complet.

Intermission. C'est aussi à ça qu'on voit que Waters est vieux : une heure sur scène, vingt minutes de pause. J'ai profité du repli d'un certain nombre de fans qui sont allés se vider de leurs bières (ou en boire) pour effectuer un replacement efficace et bienvenu. Lorsque vous allez à un concert, ne buvez pas de bière. Une fois la trentaine passée, vous savez, boire de la bière n'impressionne plus personne, votre ventre va gonfler et vous serez obligés d'aller pisser toutes les cinq minutes. Tandis que moi qui roule à l'eau plate, je suis parfaitement svelte, je me suis considérablement recentré et rapproché de cinq bons mètres.

Le début de la face B du vinyle, quant à lui, est monumental, comme le mur, sur ses six premiers titres. Si tu ne devais assister qu'à 25 minutes de cette tournée, mec, c'était celles là. Le concert reprend avec "Hey you" joué à l'aveugle, donc, la scène vide, le groupe derrière le mur. Deux briques enlevées pour "Is There Anybody Out There" ; un pan de mur descend pour révéler l'appartement dans lequel Waters - assis et matant des images de guerre sur son écran plasma - chante "Nobody home". Puis viennent "Vera" et "Bring the Boys Back Home" durant laquelle mon voisin électrisé et un peu stone s'égosillera presque autant que moi. Et enfin "Comfortably Numb" avec Waters sur le devant de la scène, son compère chanteur et Dave Kilminster à la gratte au sommet du mur. Le second solo, bon sang, on a beau le savoir et le voir venir, ça file toujours des frissons.

C'est ensuite que ça s'est un peu corsé, musicalement, avec "The Show Must Go On", également dans sa version longue, spéciale live (comme en 80) avec deux couplets ("Do I have to stand up" etc.) Alors là, pour le coup, c'était tellement moche que ce n'était assurément pas du playback. Je ne sais pas si le plus dur était les choeurs ou le soliste... Sur "Waiting for the worms", on aurait dit une parodie. Passons à la deuxième partie de "In the flesh" avec des projections animalières chères à Waters dont des moutons en Ipod avec l'inscription "Ifollow" puis surgit le cochon télécommandé qui survole le public. A ce moment là tu ne sais plus vraiment où donner de la tête, si tu dois écouter la musique, regarder la scène, les images sur le mur ou un gros phacochère qui vole à deux mètres au dessus de toi. Une fois que Pink Waters a mis tous les mecs qui ne lui revenaient pas contre le mur, il sort sa mitraillette et tire sur la foule. Et si tu veux t'en sortir, ma foi, you better run et le morceau gilmourien entraînant "Run Like Hell" est le deuxième passage purement festif du concert. Pour tout vous dire, ça dansait frénétiquement autour de moi. Ces gars là ont vécu pleinement le concert alors qu'ils sont nés six ou sept après la sortie de l'album. Et alors que nous avons l'impression de n'être là que depuis une demi-heure, voici déjà la fin du concert, "Waiting for the Worms", "Stop" et "The Trial", toujours un peu chiant, surtout pour une conclusion. Waters est donc parfaitement synchronisé avec les dessins de Gerald Scarfe et se penche même pour éviter un effet 3D, une image qui ne pouvait évidemment pas le toucher, histoire de rajouter à l'effet visuel. "Tear down the wall ! Tear down the wall !", le mur s'écroule et tous les musiciens reviennent devant les décombres jouer "Outside the Wall". Waters a troqué sa clarinette pour une trompette puis les confettis sont lâchés. J'ai même vu le moment où ils revenaient pour un rappel et nous jouaient "Echoes". Mais finalement non.