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Expurgée

Au théâtre, un soir
Roméo et Juliette de Shakespeare
(Théâtre du Nord-Ouest)

 

Si un jour on m’avait dit qu’en voyant "Roméo et Juliette" je pleurerais... de rire, je ne l’aurais pas cru ; parce que "Roméo et Juliette", voyez-vous, C’EST UN DRAME !! Et n’ayons pas peur des mots, c’est même une tragédie carrément shakespearienne. La faute en revient principalement au personnage de Mercutio et plus précisément à l’acte II, scène 4.

Le traducteur et metteur en scène (et acteur) a écrit tout ça à la Yves Bonnefoy. Ainsi, les blagounettes un peu coquines de Mercutio, lors de cette scène et de cet acte, deviennent de bien belles blagues de cul. Comme l’acteur surjoue et incarne d’emblée un personnage comique, cette scène a été jouée sous les rires incessants d’un public composé en grande partie – je vous le concède – de pisseuses de dix-sept piges. Ce devait être la sortie annuelle du lycée. En un mot comme en cent, Roméo et Mercutio se faisaient un combat de répliques salaces, comme ça, au milieu d’une pièce de Shakespeare. Et le décalage, moi, vous savez, ça me fait rire. Seulement, le traducteur, metteur en scène (et acteur) n’est pas Yves Bonnefoy. Du même ordre, le père Capulet a des répliques misogynes rigolotes lorsqu’il force sa fille a épouser Pâris alors que c’est un véritable enfer pour Juliette. La scène charnière, celle qui transforme une histoire d’amour romantique en catastrophe sinistre, était comique parce que Mercutio est présent et qu’il reste un personnage drôle, même dans la mort.

Si adapter le texte ne me gêne pas plus que ça, il eut sans doute était de bon aloi de conserver le drame dans les scènes dramatiques. Ceci mis à part - et il s’agit de l’originalité principale de cette version (positive comme négative) - j’ajouterai simplement que "R&J" est présenté ici dans une version expurgée à l’extrême (1h40) avec seulement les scènes clés. Mercutio représente en même temps Mercutio, Benvolio et le valet ; il est toujours accompagné d’une grisette qui n’a pas une ligne de dialogue - bien qu’apparaissant très régulièrement - et pour cause, son personnage n’existe pas. Tybalt reprend également les répliques de la mère de Juliette. Je vous le dis à titre informatif car tout ceci n’est pas choquant.

Cependant, j’aurais aimé le final différent. Je l’aurais voulu plus… théâtral. Ici Juliette s’enfonce HORS CHAMPS un poignard dans le bide. J’ai envie de dire "bof". C’est tout de même un suicide par amour, je m’attendais à plus de conviction dans le geste. Ensuite, la rencontre entre Roméo et Juliette ainsi que la scène du balcon sont un peu trop courtes. Cette dernière, réduite à son plus simple appareil, est cependant complétée d’un comique de répétition réussi.