Quand
on se déplace le micro à
la main il arrive parfois de croiser,
au fil des rencontres, des chanteurs
de génie dont l'art supérieur
égaie les tristes heures
de notre pauvre existence, nous
faisant l'espace d'un instant côtoyer
le sublime. Et puis, ne reculant
devant aucun sacrifice, un jour,
j'ai rencontré le, euh...
beau et , euh... sémillant
Steeve Estatof.
Bonjour
Steeve, ça gaze ?
Non, pas Steeve Sagaz mais Steeve
Estatof.
Ha
! Ha ! Quel humour, Steeve !
Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ?
Non
rien.... Vous avez l'air épuisé.
En effet. Et tu sais pourquoi ?
Non.
Parce que je suis épuisé.
Je fais du rock moi. Et un rocker,
ça triche pas. Estatof, ça
transpire. Ca sue. Et puis quand
tu chantes un truc aussi couillu
que "Je m'en foutre",
tu restes pas, tel un Delerm de
salon de thé, le cul figé
sur ton tabouret derrière
ton piano en faisant rimer Thalassa
avec Opel vectra. Tu bouges, tu
te donnes à ton public...
Ah, public aimé ! Je te donne,
je te donne, je te donne tout ce
que je vaux, ce que je suis, mes
dons, mes défauts, mes plus
belles chances, mes différences...
Oh putain, c'est hyper bon ce truc.
Faut que je le note sur mon calepin
pour un futur titre qui va déchirer
un max.
Vous
faites du rock ?
Parfaitement et même que je
suis le renouveau du rock français.
Ah
bon ?
Ouais. Et j'ai pas peur de te le
dire. Il y aura un avant et un après
Steeve Estatof dans le rock.
J'ai
lu quelque part que vous êtes
un multi-instrumentiste.
C'est vrai. Au triangle, je me démerde
plutôt bien. Par contre avec
la harpe celtique, j'ai du mal.
Mais depuis quelques temps je m'y
suis mis sérieusement. On
sait jamais. Si ça marche
plus dans le rock, je pourrais me
reconvertir dans le folk. Et devenir,
pourquoi pas, à moi tout
seul, le renouveau des peuples celtes.
Vous
avez enregistré un album
appelé "A l'envers".
Puis rien. Vous êtes toujours
dans la chanson ?
Absolument. J'ai même enregistré
depuis des trucs comme "Garde-moi"
et "Nevermind"... Non,
pardon. Pas "Nevermind".
"Garde-moi" est un cd
plutôt confidentiel, il faut
l'avouer, mais on en a un peu parlé
sur M6.
Excusez-moi,
je n'ai que trois chaînes.
Dommage pour toi. Tu manques La
nouvelle star.
Une
de vos chansons l'affirme haut et
fort : le succès rend con.
Qu'en est-il exactement ?
C'est vrai, j'ai beaucoup de succès.
Quelles
sont vos influences, Steeve ?
Du rock, rien que du rock. En vrac
: Nirvana, Guns n' Roses, AC/DC,
les Sex Pistols et surtout Axel
Bauer et David Hallyday.
C'est
du rock les deux derniers ?
Je veux. Bon, d'accord ils sont
plutôt le passé du
rock français. Un passé
lointain d'ailleurs. Mais ça
dépote pas mal. Moins qu'Estatof
mais j'aime assez.
Steeve,
il paraît que vous avez fait
un cover de Nino Ferrer...
Un quoi ?
Une
reprise. "Le sud". Etes-vous
un fan ?
Je le suis assez. Nino Ferrer était
pour moi un vrai rocker. J'adore
cette chanson. Quelque part, c'est
pas loin de Cobain.
Ah
bon ?
Je t'en chante un passage ?
Bof.
On
dirait le Suuuuuuuuuuuud,
Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement,
Plus d'un million d'années
Et toujours en étéééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééé....
yeah !
Heureusement
qu'on est en automne.
Déjà ? Putain, ça
passe vite.
Normal,
un rocker ça vit à
cent à l'heure.
Tu l'as dit bouffi.
Steeve,
je me suis laissé dire que
vous étiez originaire de
la région de Grenoble comme
Stendhal.
Qui ça ?
Un
mec qui a écrit Le rouge
et le noir.
Excuse-moi mon pote mais j'avoue
ne pas connaître. En fait
je suis pas souvent à Grenoble.
Un rocker ça vit plutôt
on the road. Du coup je peux pas
fréquenter tout le monde.
Il a fait d'autres trucs à
part ces deux bouquins ?
Oui.
La chartreuse de Parme.
Je connais la grande chartreuse,
c'est peut-être pas la même.
Sûrement
pas. Grenoble, c'est aussi la ville
de naissance de Calogero, non ?
Ah oui, je l'adore. Il serait quelque
part le renouveau du rock français
si je ne l'étais pas déjà.
Lui
aussi ?
Parfaitement. Même si parfois
il se laisse aller à quelques
compromissions.
Steeve,
deux mots sur Jérémy
Chatelain ?
Qui ça ?
Et
Damien Saez ?
C'est le nouveau pape ?
Steeve
Estatof, c'est votre nom ?
Bien sûr. Je me vois mal avec
un pseudo du style Jérémy
Delerm ou Vincent Chatelain.
Votre
prénom Steeve, est-ce, quelque
part, un hommage à Steve
Ray Vaughan ?
Hein ?
Vous
faites quoi comme rock, Steeve ?
Du grunge hexagonal. Béret,
baguette et électricité.
En
quoi ça consiste ?
Quelques guitares électriques
qu'on a oublié de brancher.
Avec ce petit plus qui fait la différence.
Qu'est-ce
donc ?
Un rien de variétoche qui
tache.
Et
les paroles ?
Quelque part entre Bruel et Dylan.
Ah
bon ?
Oui mais plus près de Bruel.
A
quand une nouvelle daub... pardon,
un nouveau cd ?
Eh bien là, je travaille
à un super truc.
Y'aura
du rock, je parie.
Comment tu sais ça, toi ?
L'intuition.
Steeve, Merci.
Putain, mon nom c'est Steeve Estatof.
Je te l'ai déjà dit.
T'es con ou quoi ?
Après,
Steeve a voulu que je vienne avec
lui au bistro du coin rejoindre
quelques potes. Il y avait une grosse
ambiance et plein de monde. Alors,
Steeve a pris sa guitare sèche
et a chanté "Knockin'
on heaven's door" dans la version
Guns n' Roses. Puis "Highway
to hell". Quand il attaqua
"Le sud", quelques chevelus
tatoués qui se tapaient des
bières en se marrant comme
des bossus lui lancèrent
: "Hey Calogero, c'est quoi
cette daube ?" Alors Steeve,
qui est un rocker, un vrai, n'apprécia
pas du tout et se jeta sur eux.
Il s'en suivit une bagarre générale.
Jets de canettes et coups violents.
Conclusion : je me suis retrouvé
avec vingt points de suture et un
bras cassé. Le gauche, heureusement.
Ah, je suis pas prêt de l'oublier
cette soirée avec le renouveau
du rock français ! Pour une
interview à la con, c'était
une interview à la con !
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