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Un putain de gothique !

Mary Shelley
Frankenstein (1818)


"My name is Ozymandias, king of kings : look on my works, ye mighty, and despair !" (en français : "Je suis Ozymandias, le roi des rois, matez un peu le boulot que j'ai abattu, les gars, et allez vous pendre"). Ceci est de Percy Shelley, le mari. "Frankenstein" est de Mary Shelley, sa femme. Sa seconde femme, pour être précis, la première s'étant suicidée, enceinte (mais pas de lui), en se noyant à Hyde Park. Percy Shelley, quoi qu'il en soit, était un coureur perpétuellement entouré de femmes enceintes. Il a cependant eu le tact de mourir à trente ans, comme un vrai écrivain. Mary Shelley, donc, un soir de 1816, droguée et cauchemardeuse, imagine la créature de Frankenstein. L'année suivante, elle termine son roman.

Comme tout le monde, vous connaissez "Frankenstein". Vous avez même pensé, durant votre jeune âge, que Frankenstein était le nom de la créature. Je le sais bien, j'étais comme vous. Mais que savez-vous d'autre ? Vous vous rappelez assurément d'un grand type avec une tête carrée et des clous enfoncés dans le crâne. Peut-être vous souvenez-vous que le professeur, souhaitant créer la vie, mélange les membres de différents cadavres et leur ajoute le cerveau malsain d'un criminel. Il faut dire que son assistant idiot et bossu s'est trompé de cervelle. Peut-être revoyez-vous un scientifique échevelé et illuminé, dans son laboratoire, actionnant des machines délirantes pour donner la vie à sa créature, un soir d'orage, avant de lui créer une compagne : "You... make... man ?","No, woman". Tout ceci vous rappelle quelque chose, n'est-ce pas ? Eh bien ce n'est pas dans le roman.

En lisant le bouquin de Shelley, on se rend compte que toute la mythologie qui entoure son histoire est issue du cinéma (notamment les films des années 30 avec Karloff) et pas du tout du livre. Ce que tout le monde sait de "Frankenstein" n'est pas dans l'oeuvre originale ! Par exemple, Victor Frankenstein est une loque plaintive qui rappelle davantage une jouvencelle dépressive qui aurait ses règles qu'un savant fou halluciné. Le mec, dès qu'il se passe quelque chose... il perd connaissance. Une vraie gonzesse ! Quand il s'exprime (l'histoire est globalement racontée par lui), il utilise un champ lexical qui ferait pâlir Lovecraft. Exemple, chapitre 9, premier paragraphe : fardeau, désespoir, remords, oppressait, désertait, errais, funeste, méfaits, horreur, peines. Et ceci en deux phrases seulement. Victor Frankenstein est un putain de gothique ! Quant à la créature qu'on pensait arriérée et communiquant par borborygmes, elle s'avère lettrée, et a même lu John Milton et Plutarque. Bon sang, la créature de Frankenstein fait des références à Goethe !!

Evidemment, vous me direz qu'il est malhonnête de reprocher à une oeuvre de ne pas être ce qu'on en attendait. Après tout, Mary Shelley, lorsqu'elle était défoncée à l'opium, était à cent lieues de se douter que le cinéma polluerait son livre. D'ailleurs, elle devait déjà être à cent lieues de se douter que quelqu'un le lirait. Mais tout de même, "Frankenstein" relève du malentendu et se retrouver avec un héros pleurnichard efféminé qui geint sur deux cents pages, c'est agaçant.

 

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LA CRitiQUE D'UN AUtRE BOUQUiN _____________________________________________________________________________

La Bergère Des Alpes
Jean-François Marmontel

 

 

... au dénouement imprévu...