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CHRONiQUES MUSiCALES

AUtRES

Avec une intrigue
improbable...

William Shakespeare
Le Soir Des Rois (1600)



Vous savez, moi, les comédies, ce n'est pas ma tasse de thé. Je ne jure que par la tragédie et la tragi-comédie. Concernant Shakespeare, "Othello", "Roméo et Juliette" et "Le roi Lear" sont mes œuvres de chevets. Pourtant, j'ai décidé de vous parler du "Soir des Rois". Je pense que rien qu'en exposant l'intrigue, je peux remplir quatre pages. Allons-y.

Le duc Orsino est amoureux de la comtesse Olivia mais celle-ci ne l'aime pas. Afin de convaincre Olivia, le duc compte sur l'aide d'un page nommé Cesario. Jusque là, tout est clair.

Seulement, il se trouve que ce page est en réalité une femme nommée Viola (que serait l'œuvre de Shakespeare sans le déguisement ?). Cette Viola est amoureuse du duc. Olivia, pensant que le page est un homme, tombe amoureuse de lui. Olivia repousse donc les avances du duc et Viola repousse les avances d'Olivia. Pendant ce temps, les personnages secondaires, Toby, Andrew, Fabian, Maria et Feste, complotent contre Malvolio, l'intendant d'Olivia. Il s'agit de la sous-intrigue comique. Ils le ridiculisent en lui faisant croire qu'Olivia est amoureuse de lui. Quant à Andrew, il décide de provoquer Viola en duel, pensant que le page marche sur ses plates bandes. Tout serait facile à comprendre si Viola n'avait pas un frère jumeau qui lui ressemble parfaitement maintenant qu'elle est déguisée en homme.

Sous cette intrigue absolument improbable se cache quelques passages amusants (je le souligne car les comédies ne me font jamais rire) et quelques belles formules poétiques. N'ayant testé que les traductions de FVH, comme on dit entre intellectuels lors des soirées mousses, et de FPG Guizot (qui n'a rien à voir avec la loi de 1833), je vous conseillerais plutôt celle d'Hugo pour une seule raison : il traduit "To hear by the nose, it is dulcet in contagion" par "A l'entendre du nez, c'est une harmonie de parfums" plutôt que "A entendre par le nez, c'est une douce contagion".

Notons pour finir l'incongruité de la traduction du titre : "Twelfth Night". Il devient "Le soir des rois" pour Hugo et "Le jour des rois" pour Guizot. Allez comprendre.

PS : Parler de Shakespeare sans dire une seule fois "William j'expire", c'est fort !

La citation : "Jeune homme, qui que tu sois, tu n'es qu'un ladre et qu'un drôle".

A propos des traductions de Skakespeare...

Moi, je suis fan de Shakespeare devant l'Eternel. D'ailleurs, pas plus tard qu'hier, je discutais avec l'Eternel et il m'a dit "Toi, tu n'as de cesse d'être fan de Shakespeare devant moi".

Il l'avait mauvaise, l'Eternel.

Ce qui m'ennuie, lorsque je lis Shakespeare, c'est que je ne comprends pas l'anglais. Or, tout auteur qui se respecte se doit d'être lu dans sa langue (même les auteurs qui ne respectent pas, d'ailleurs). Si ça se trouve, Mary Higgins Clark, en anglais, c'est de la grande littérature et tout le monde l'ignore.

Je suis donc obligé, bien malgré moi, de me rabattre sur des traductions qui valent ce qu'elles valent lorsqu'elles valent quelque chose. Quiconque s'est déjà essayé à la traduction ne pourra nier que la moindre phrase d'un auteur bas de gamme quasi-analphabète demande trois heures de réflexion pour trouver les mots justes. Alors traduire du Shakespeare, ami lecteur, j'te dis pas !

Les lecteurs de Shakespeare ont cependant l'avantage d'être noyés sous diverses versions. Je suppose qu'on doit facilement approcher la centaine de traducteurs différents.

Le plus connu est évidemment François-Victor Hugo, le fils de l'autre. Perdu à Guernesey, le pauvre homme n'avait rien d'autre à faire que de traduire Shakespeare, d'autant que son père, lorsqu'il n'était pas occupé à écrire debout, faisait tourner des guéridons.

On le retrouve encore un peu partout, en librairie et sur internet puisque son travail est tombé depuis longtemps dans le domaine public. Si, chez Garnier-Flammarion, on use les traductions de Hugo fils* jusqu'à la corde, certaines mauvaises langues se demandent d'ailleurs s'ils le font parce qu'il s'agit du meilleur traducteur de Shakespeare ou parce que ses traductions du XIXe siècle ne coûtent pas un centime.
Je vous laisse y réfléchir.

Et là, vous vous dites que tout ceci est bien vain. Après tout, il existe un texte original et il ne doit pas y avoir trente traductions possibles. Eh bien détrompez-vous. DETROMPEZ-VOUS !

Si André Gide, sur son lit de mort, avait peur que ses phrases deviennent grammaticalement incorrectes, il a aussi parlé de Shakespeare. Il n'en a pas parlé sur son lit de mort, non, mais quelques années auparavant. En résumé, ce bon vieux Dédé a dit que chaque traduction de Shakespeare trahissait l'œuvre originale parce que chaque traducteur se focalisait sur une particularité de ladite œuvre (poésie, rythme, mouvement, etc.), sous-entendant qu'il n'était pas possible, par une seule traduction, de "recomposer le prisme du génie diapré de Shakespeare".

Vous voyez, Gide, il est du genre à utiliser le mot "diapré".

En ce qui me concerne, je vous avouerai que je suis un adepte des traductions d'Yves Bonnefoy. Il actualise le temporel et intemporalise la poésie, si j'ose m'exprimer ainsi. Une pièce de Shakespeare, c'est comme un morceau de musique classique. Il suffit d'en trouver la version qui nous sied le mieux.

*
Attention de ne pas confondre Hugo fils et Hugues Aufray. Souvenez-vous que l'un des deux n'a jamais dû lire Shakespeare.

 

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LA CHRONiQUE D'UN AUtRE BOUQUiN _____________________________________________________________________________

Dom Juan
Molière

 

...que le diable l'emporte !…