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Nicolas Ungemuth
L'interview


Ne reculant devant aucun sacrifice, j'ai rencontré le beau et sémillant Nicolas Ungemuth, rock-critic que l'air du temps fait virevolter, girouette affolée, au gré de la tendance. Ses textes ont un grand succès. Surtout auprès de ceux qui écrivent dans la même revue que lui. Certes, il n'a pas foncièrement chamboulé l'art de la critique rockandrollienne mais ses écrits sont pleins de phrases avec des majuscules et des points. Alors, oublions nos a priori et partons à la découverte de ce rock-critic que certains considèrent comme le plus important de leur quartier. Notre rencontre s'est passée au récent concert du groupe Yes. Nicolas m'avait dit au téléphone : "Pour me reconnaître, je me tiendrai près de la sortie vers le bar. J'aurai un tee-shirt avec la photo de Johnny Rotten et un sandwich à la main". Ce ne fut pas facile. Surtout pour le sandwich. Mais grâce à Johnny Rotten, on s'est finalement retrouvés. Alors que Yes terminait son show, nous avons quitté la salle pour nous rendre au bar. L'ambiance était très thon mayonnaise.


Nicolas, je me suis laissé dire que vous écrivez. Qu'en est-il exactement ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est vrai. J'ai même récemment acheté un beau cahier à spirales et des bics au bazar du coin.

Ah bon ?
Oui. Mais y'a pas de lignes sur le cahier alors parfois j'ai du mal.

C'est quoi votre dernier bouquin ?
Un petit truc avec dessus une jolie photo de Bowie prise dans les années 70.

Vous en avez beaucoup vendus ?
Disons que si je l'avais sorti il y a trente ans ça aurait mieux marché mais, on the other hand, il aurait été un peu moins épais. Mais, j'ai quand même eu une presse élogieuse.

Ah bon ?
"Le chasseur français" a adoré. Et même plein de lecteurs m'ont écrit pour me dire que le livre les a hyper interpellés.

Comment ça ?
Depuis ils ont revendu tous leurs cds de Bowie.

Avez-vous sorti d'autres bouquins ?
Oui. J'ai fait un "Iggy Pop" où j'explique au long de la centaine de pages pourquoi il se balade toujours torse nu.

Rassurez-nous. Vous n'avez pas.... euh, vous avez d'autres projets ?
Je vais peut-être écrire sous peu un "The Jam" assez complet. Je raconterai surtout au long de la centaine de pages comment ils ont fait pour trouver le nom de leur groupe.

Nicolas, j'ai lu quelque part que vous détestez le prog.
Pas du tout. Et je vais vous faire même une confidence.

Ah oui, laquelle ?
J'adore le prog.

Ah bon ?
Absolument. Et puis vous croyez franchement que je me farcirais deux bonnes heures de Yes alors que j'aurais horreur de ça ? Pas maso le Nico !

Et de quand, Nico...Je peux vous appeler Nico ?
Bah, ça me paraît un peu familier mais maintenant qu'on se connaît mieux, que je vous ai fait quelques confidences, why not ? Vous voulez un bout de mon sandwich ?

Non... De quand, Nico, date cet amour du prog ?
Ca a commencé dans ma prime enfance.

Mais, comment avez-vous débuté dans ce monde envoûtant et magique qu'est le prog ?
Eh bien, c'est simple. Figurez-vous que quand j'étais un petit garçon, plein de vie et de joie, un jour que j'étais très gentil, mon père me rapporta un jouet extraordinaire, avec une grosse pochette verte. Je l'ai prise dans mes bras mais quand j'ai posé le vinyle sur le tourne-disque, il faisait "close to the edge, down by a river" quand il tournait. J'ai dit à mon père : "C'est super !" Il m'a répondu : "Normal, mon petit Nicolas, c'est du prog !"

Et ensuite ?
Vers mes quinze ans, j'ai même formé un groupe de prog avec des potes. On s'appelait Mellotron Mayonnaise.

Sympa comme nom.
Oui. Et en tout cas pas plus con que Mangala Vallis ou Pain Of Salvation.

Ca a marché ?
Pas vraiment. Tous les potes nous prenaient pour un groupe parodique et venaient à nos concerts pour se fendre la gueule.

Et alors ?
Alors, comme le prog c'est pas forcément hyper poilant, les trois quarts des spectateurs, soit une petite dizaine de copains, sont partis au milieu du premier morceau. Un truc hyper long de 32 minutes. Après le deuxième, y'avait plus personne !

Et Yes ?
Disons que je les suis discographiquement pas à pas, daube à daube. J'ai tous leurs albums. Je suis viscéralement attaché à ce groupe. Un peu comme de la mayonnaise à un morceau de thon dans un sandwich.

Pourquoi dites-vous toujours du mal du prog dans vos chroniques qui embellissent par leur pertinence les revues du rock actuel comme autant de vieux sommiers crevés une décharge sauvage ?
C'est vrai que j'en parle pas forcément en bien.

Non. Pas forcément.
Mais comment renouveler son abonnement à "Prog & Traditions" et se payer en même temps des cahiers à spirales et une boîte de bics sans ça ? Je vous le demande ?

Euh... J'en sais rien.
Je rajouterai même comme le disait si bien le grand Phil Collins : "Le domaine de la liberté commence là où s'arrête le travail déterminé par la nécessité."

Il a dit ça ?
Oui... Bien que parfois je me demande si c'est bien de lui. Faudrait que je recherche dans mes archives.

Etes-vous, d'accord avec la grosse vedette Maïté, un fin cordon bleu s'il en est, qui a dit : "Le prog c'est comme le thon mayonnaise, c'est difficile à digérer" ?
Pas du tout. D'ailleurs j'adore le thon mayonnaise !

Pas possible !
Parfaitement. J'en prends toujours quand je vais à un concert de prog. Ca aide.

Ah bon ?
Absolument. D'ailleurs, j'en bouffe même depuis ma plus tendre enfance.

Comment ça ?
Figurez-vous que quand j'étais un petit garçon, plein de vie et de joie, un jour ma mère m'a initié aux délices de ce plat raffiné entre tous. Elle m'a dit : "Tiens, mon petit Nicolas, je vais t'apprendre la recette du sandwich au thon mayonnaise !" Je lui ai demandé : "Eh, pourquoi faire, ma petite maman chérie ?" Elle m'a répondu : "Ca te sera utile dans l'avenir pour tenir le coup dans tes longs concerts de prog !"

Délicate attention.
Vous pouvez le dire. Depuis, chaque fois que je bouffe un sandwich thon mayonnaise, même si je suis pas à un concert, j'entends du prog dans ma tête. C'est dingue, non ?

Rien ne remplace une mère.
Oui. Et elle a d'ailleurs ajouté à la fin : "N'oublie pas, mon petit Nico, de toujours refermer le sandwich !"

En effet, ça me paraît important.
Je veux, ouais ! Figurez-vous qu'un soir à un concert de Pendragon, j'ai oublié de le faire et ça a dégouliné sur mon beau tee-shirt de Johnny Rotten tout neuf.

Un Johnny Rotten tout neuf ?
Non, mon tee-shirt tout neuf.

Je me disais aussi.
Si vous aviez vu la gueule du Johnny. Pas beau à voir le mec !

Peut-on se risquer à dire, mon cher Nico, que le sandwich thon mayonnaise est pour vous ce que la madeleine était à Proust.
Le coureur automobile ?

Non. Lui, c'est Prost.
Ah bon ?

Donc, si je comprends bien, votre chronique sur le concert de ce soir sera écrite aux antipodes de ce que vous pensez vraiment.
Je n'irai pas jusque là.

Comment ça ?
Je l'écrirai en France. Pas loin d'ici, chez moi tout simplement.

Quelle sera la teneur de votre discours ?
Quoi ?

De quoi allez-vous parler dans votre texte ?
Je sais pas encore. En tout cas une chose est sûre, j'insisterai sur le thon mayonnaise.

Bref, et arrêtez-moi si je me trompe, il y a donc deux Nicolas.
Où ça ?

Vous êtes en quelque sorte Dr Jekyll et Mr Hyde.
Hein ?

Oui. Le bouquin de Stevenson.
Il joue dans quel groupe ?

Pensez-vous, Nico, à l'instar du grand Jean-Paul Sartre que le prog c'est comme les bananes, il faut le consommer sur place.
Absolument. Et je rajouterai si vous le permettez : "Avec un bon sandwich thon mayonnaise !"

Belle conclusion, mon cher Nicolas !
On s'en bouffe un dernier pour la route ?

Non, sans façon.


Alors j'ai quitté, avec un certain regret, bien que j'étais seul, le passionnant Nicolas Ungemuth. Arrivé chez moi, je suis allé dans la cuisine pour me préparer un thon mayonnaise. Après je me suis installé devant ma chaîne hi-fi. J'ai mis le vieux vinyle avec la grosse pochette verte que j'avais, moi aussi, dans ma discothèque. Il a fait "close to the edge, down by a river" quand il a tourné. A la fin du premier titre, j'ai commencé à me sentir mal. Je me suis alors précipité aux WC... trop de mayonnaise sans doute !

 

Johnny Rotten n'est pas forcément compatible avec le thon mayonnaise !