Necrot
Lifeless
Birth
(2024)
Pas
plus tard que l’autre soir,
après une journée
de travail aussi gonflante que
la lecture d’un roman d‘Alain
Robe-Grillet, j’étais
rentré chez moi plus fourbu
qu’un marathonien après
quarante deux bornes, plus vanné
qu'un cycliste roulant à
l’eau claire au sommet du
Tourmalet, plus crevé qu’un
vulgaire rechapé.
Bref, j’étais las
et bien là.
Dehors, quelques frimas frimaient
plus givrés que des ultras
de quart de virage. Une bise plus
mordante qu’un pitbull déchainé
s'insinuait de toutes parts. Alors
dans le souffle monocorde du vent,
la nuit tomba lente comme une
procession et plus triste que
le dernier film de Robert Bresson
alors qu'une lune blanche et ronde
se levait mollement là-haut
dans un ciel plus noir que la
dernière chanson de Peter
Hammill.
C'était l’heure où
les cons font grimper les présentateurs
débiles à l’audimat.
Une flambée amicale virevoltait
dans l’âtre de ma
fort belle cheminée rustique
qui m’a coûté
la peau des fesses mais fait l'envie
de mes cons de voisins, ce qui
augmentait encore plus le plaisir
que j’avais de contempler
ce feu amical, chaleureux et réconfortant,
les fesses au chaud.
De ma platine, dernier cri de
la technologie, coulait une musique
limpide comme les eaux de la Clamoussette
lorsqu’elle traverse La
Grougnolle du Malmont, le matin,
dès l’aube, à
l'heure où blanchit la
campagne quand le père
Badaroux, après avoir remis
son dentier, sifflé un
bon verre de rouge et largué
une caisse, sort faire pisser
le chien.
Plongé paresseusement dans
mon fauteuil plus moelleux qu’un
politicien en campagne électorale
et acheté (le fauteuil
pas le politicart, je vois que
tu suis, c’est bien) la
semaine dernière en solde
à la Foir’fouille,
j’entamai la désopilante
lecture de La critique de la raison
pure Kant quelqu’un cogna
à mon huis.
Qui osait interrrompre mes douces
rêveries métaphysiques
bercées de délicates
et légères effluves
sonores ?
C’est une bonne question
qu’il était temps
de poser à cet instant
de ma chronique pour relancer
l’intérêt car
je vois que tu commences, cher
lecteur, à t’assoupir
un peu.
Répondons donc à
cette question que j'ai eu la
judicieuse idée de poser.
C’était un pote blackmetalleux
quii m’agressait, aussi
incongru qu’un Schwarzenegger
intervenant dans un remake du
Dialogue de Carmélites.
- Merde ! Tu vois pas que je suis
débordé ! Qu’est-ce
que tu veux ?
- Putain, faut que tu m’écoutes
ce cd de Necrot !
- Qui ça ?
- "Lifeless Birth".
- Hein ?
- Ca déchire grave !!
- NOOOOOOOOOOOOON
!
- Tiens, j'enlève cette
merde et je te le mets, tu m'en
diras des nouvelles ! Ca tue sa
race, ce truc de death metal !
Alors, tout excité, il
enleva mon CD d’ambient
et mit ce disque de Necrot à
la place.
Au bout de quelques titres, je
commençai à être
à bout alors que mon pote
en transe faisait tournoyer quelque
chose qui ressemblait à
une antenne de téloche
au dessus de sa tête emportant
au passage le vilain lustre que
m’avait légué
ma grand-mère lozérienne.
N'en pouvant plus, je l’ai
imploré d’arrêter
le massacre. Rien n'y fit. Alors,
hors de moi, je lui ai balancé
plusieurs coups de boule dans
la gueule hurlant "mort au
black-metal !" jusqu’à
ce que le GIGN intervienne.
Guère après, j’ai
été incarcéré
à la prison la plus proche
de mon domicile pour acte de terrorisme
aggravé. J’espère
qu’on me reconnaîtra
un jour un total état de
légitime défense.
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