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Le plus chamarré
des tribute bands

The Musical Box
La Génèse



Au commencement, Dieu créa Peter Gabriel
Genesis était informe et vide : il y avait des ténèbres
à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu
se mouvait au-dessus des eaux.
Dieu dit : Que Steve Hackett soit ! Et Steve Hackett fut.

Savez-vous ce qu'il y a après la Genèse ? Eh bien il y a l'Exode.
Et savez-vous ce qu'il y a après Genesis ? Eh bien il y a Musical Box.

En 1976, voyez-vous, Phil Collins n'était pas encore sourd et se souciait assez peu des sans abris. Il portait un vieux maillot de corps bigarré et exécutait avec sa voix nasillarde de longs morceaux de rock psychédélique en s’appuyant sur les échappées tonitruantes d’un polymoog orangé et papillotant. Bref, il faisait du prog. Il enregistra "A trick of the tail" et partit en tournée avec Tony, Mike, Steve et même Bill à la batterie. Pour la première fois dans l’histoire de l’espèce humaine, Phil Collins vocalisait pour Genesis, sur le devant de la scène, en ce temps où il avait encore des cheveux et pouvait arborer une belle barbe de bitnick.

Quelques canadiens animés d’un zèle exalté, nommés Gagné, Lamothe ou encore Laflamme, ont décidé de rejouer ce concert à l’identique. Par "à l’identique", j’entends "à l’identique". Le guitariste a le même foulard démodé, la même chemise blanche d’un autre temps et les mêmes bottes effroyablement ringardes que Steve Hackett ; le chanteur a le même marcel bariolé et le jeu de scène que Phil Collins ; le clavier est comme Tony Banks, le bassiste est comme Mike Rutherford et, comble du réalisme, les spectateurs sont les mêmes qu’en 1976. Il faut voir tous ces quinquas et sexagénaires headbanguer sur "Los endos" pour le croire. Bon Dieu, il y a des survivants de la génération mellotron !!

Hier soir à l’Olympia se produisait The Musical Box, le plus chamarré des tribute bands, le seul officiellement reconnu par Peter Gabriel et les gravats de Genesis, le seul autorisé à ressembler aux vrais, à être applaudis comme s’ils étaient les vrais et à ne finalement exister que lorsqu’ils sont dans la peau de ces papys progueux du temps où ils avaient encore des idées. En deux mots, lorsque Musical Box recueille une salve d’applaudissements et que le public se lève après "Firth of fifth", on ne sait pas vraiment si la gloire est pour eux ou pour les musiciens qu’ils sont censés être. Moi, à leur place, j’aurais les boules.

D’après internet, la set list était la suivante (sans garantie et probablement dans le désordre) : "Dance on A Volcano," "The Lamb Lies Down on Broadway/Fly on a Windshield/Carpet Crawlers," "The Cinema Show," "Robbery, Assault and Battery," "White Mountain," "Firth of Fifth," "Entangled", "Supper's Ready," "I Know What I Like (in Your Wardrobe)", "Los Endos" et en rappel : "It/Watcher of the Skies". Il va sans dire que l’enchaînement "Carpet crawlers", "cinema show", "Firth of fifth", "Entangled" était le sommet du concert, excellemment exécuté et émotionnellement puissant, avec des effets visuels kitsch au possible.

Finalement, le seul point noir de cette soirée surprise - je n’ai su que j’allais voir Musical Box qu’en entrant à l’Olympia – était le prix de la place. Payer soixante six euros pour de simples interprètes de l’œuvre de Genesis (excellents interprètes mais là n’est pas la question) me pousse à la réflexion. A dix euros, le concept eut été amusant, mais à soixante six euros (réservable HUIT mois à l’avance pour avoir une place), je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la pertinence de la démarche artistique. Accepterais-je de payer soixante six euros pour revenir en 1975 et voir sur scène Peter Gabriel avec des oreilles de chauve-souris collées sur la tête ? Là est la question.

Heureusement, me direz-vous, que je n’ai pas payé. J’ai utilisé un tribute-billet qui ressemble à un vrai mais sans l’être vraiment.