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Le Morse, le Morse,
toujours recommencé

The Neal Morse Band
The Grand Experiment (2015)


Afin que tu puisses comprendre au mieux cette autre grande œuvre récente de Morse (grand lui aussi), je me suis permis d’aller poser à ce merveilleux artiste quelques questions lors de son dernier passage dans mon quartier.

- Vous êtes pas un peu prolifique ?
- Pas du tout. En fait, je suis américain.
- Ouais, bon, vous faites des chiées de disques, pourquoi ?
- Parce que j’ai toujours des tonnes d’idées, l’inspiration souvent capricieuse pour les autres est constamment ma douce compagne. Elle me guide sur le dur chemin de la perfection, du matin au soir, dès après le cacao et jusqu'avant le déca du soir sinon j'arrive pas à dormir.
- Avec du sucre ?
- Non, avec ma femme.
- J'ai remarqué que sur votre album il y a écrit : "The Neal Morse Band". Est-ce à dire que cette oeuvre est le fruit d'un labeur collectif, la conjonction de talents divers, une réussite collégiale ?
- Non. C’est juste pour changer un peu l’appellation. Morse seul, ça pourrait lasser à force.
- Expliquez-moi un peu cette jolie pochette.
- Eh bien, on m’y voit en train d’essayer d’inventer la musique avec ma machine hyper compliquée.
- C’est pas gagné.
- Hein ?
- Et la montagne au fond ?
- C'est la métaphore de la création, ce moment délicat qui amène son lot de difficultés à escalader. D'ailleurs un jour à ce sujet je sais plus si c'est Vincent van Gogh qui a dit : "La douleur est l'auxiliaire de la création", remarquez, c'est peut-être James Labrie.
- Et ce titre : "The Grand Experiment", est-ce à dire que vous expérimentez, vous essayez autre chose, vous vous lancez à corps perdu sur quelques chemins de traverse, vous osez, vous allez vers de nouvelles directions ?
- En fait non. C’est juste pour faire plus intelligent. D’ailleurs dans ce disque j’y fais ce que j’ai toujours fait depuis des plombes.
- Quoi donc ?
- Eh bien, du Morse.
- "Du Morse", vous dites ?
- Disons pour faire simple que c'est faire toujours la même chose sans faire pareil tout en faisant quelque chose de semblable à ce qui a précédé et qui ressemble quand même à ce que je fais dans ce disque.
- C'est fort.
- Je dirai en quelques sorte : "Le Morse, le Morse, toujours recommencé" pour faire à la manière du poète François Valéry.
- Vous voulez dire "Paul Valéry", peut-être, non ?
- Oui, c'est ça... Et le tout sans oublier le son vintage.
- Ringard ?
- Non, vintage. Et avec des titres à rallonge qui prennent la tronche pendant au moins 10 minutes pour le progueux et des ballades fadasses pour ma belle-mère.
- C’est gentil pour eux.
- Il faut aimer son prochain.
- C'est tout à votre honneur.
- Et quand on fait du Morse on se doit aussi de balancer quelques clins d'oeil bien sentis sous forme de résurgences de musiques plus ou moins connues car le véritable artiste crée, même en copiant comme je le disais si justement l'autre jour à Mike.
- Oldfield ?
- Non, l'autre, celui qui joue de la batterie sur mon disque en faisant du streaching-néo-metal-prog.
- C'est quoi ce truc ?
- Disons qu’il s’agit de taper comme un dingue le plus vite possible sur des chiées de caisses dans le maximum de barouf.
- Pas fastoche.
- Comme vous dites mais, bon, je le bride un peu sinon il serait capable de pourrir mon disque, ce con.
- Quelles sont ces belles musiques où vous allez puiser cette sève bienfaitrice qui nourrit votre œuvre admirable.
- Eh bien, les Beatles, Gentle Giant et peut-être même Ligeti mais de façon très fugace.
- Ligeti ?
- J'ai écouté un de ses albums l'autre soir.
- Après le déca ?
- Oui, mais comme c'était très fort, du coup j'ai pas pu dormir.
- Et votre femme ?
- Elle voulait divorcer.
- Et alors ?
- J'ai laissé tomber Ligeti. Le disque a beau s'appeler "The Grand Experiment", faut quand même pas déconner.
- Vous comptez en vendre beaucoup de ce disque parce que les progueux et la belle-doche, ça fait pas bézef quand on y pense ?
- En fait et aussi paradoxal que cela puisse paraître, la majorité des gens n'écoute pas mes disques.
- C'est étonnant, d'autant plus que c'est pas faute d'en sortir régulièrement.
- En effet, mais si les mélomanes allaient plus nombreux acheter mes disques, ils s'en vendraient plus. Comme quoi, le succès mondial et le nombre de fans, ça tient à rien.
- Ce sera le mot de la fin.
- Rien ?
- Ouais.