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Le principe
du principe...

Henry De Montherlant
Fils De Personne / Un Incompris (1943)



Fils de personne :


Il y a des auteurs qui ont une oeuvre majeure : Stendhal a écrit "Le rouge et le noir", Alexandre Dumas fils a écrit "La dame aux camélias", Alain-Fournier a écrit "Le grand Meaulnes" (mais il est mort avant de pouvoir en faire un autre), Rostand a écrit "Cyrano". Ces auteurs sont pratiques, finalement, car il suffit de lire un seul de leurs bouquins pour faire le malin et épater tout le monde. Il existe aussi des écrivains qui ont volontairement écrit plusieurs classiques afin de m'empêcher de vivre parfaitement heureux, tels Hugo, Shakespeare, Flaubert ou Musso. Enfin, peut-être pas Guillaume Musso. Et il y a les plus terribles, ceux qui n'ont aucune oeuvre majeure, ceux dont on ne sait jamais par quoi commencer, comme Marivaux ou Montherlant.

Autant j'aime "Un incompris" (mise en bouche écrite pour compléter "Fils de personne" qui était une pièce trop courte), autant "Fils de personne" m'emmerde un peu. Sans doute est-ce à cause du rapport conflictuel père/fils récurrent chez Montherlant et qui ne me parle pas du tout. Ici, sous l'occupation, Marie et Gillou rejoignent Georges en zone libre. Ce dernier est un avocat prisonnier de guerre en cavale qui a maille à partir avec la mère de son fils et, surtout, avec son fils. Comprenez bien que Gillou ne correspond pas à l'image que Georges se fait de l'homme et, étant donné le contexte historique, du Français. Quant à savoir ce que Montherlant a voulu dire ici, eh bien j'avoue que la théorie du suicide (exposée à la suite de la pièce et qu'il est également possible d'appliquer à "La reine morte") me sied particulièrement. Cette analyse de la pièce voudrait que Gillou soit une facette de Georges, qu'il soit ce qu'il y a de faible en lui. Non seulement Georges sacrifie son fils au nom, disons d'un principe (voir "Un incompris"), mais en le sacrifiant, il se tue lui-même, comme le roi Ferrante en faisant tuer Inès de Castro.

Quoi qu'il en soit, le côté "drame intérieur" de "Fils de personne" n'est pas toujours très jouasse à la lecture. Aucun événement ici, donc, aucune action, si ce n'est intérieure.

Un incompris :

"Un incompris" reprend le principe du principe. Bruno est follement amoureux de Rosette. Seulement elle est toujours en retard à leurs rendez-vous, à tel point que Bruno finit par lui dire qu'il la quittera si elle s'obstine à ne pas respecter l'heure. Ici Montherlant illustre le grand par l'anecdotique (concept que tout le monde n'est pas apte à comprendre, je m'en suis rendu compte). Evidemment qu'on ne quitte pas la femme qu'on aime à cause de retards répétitifs. On se contente de lui filer une claque et de lui couper les vivres. Mais le respect d'un principe est d'autant plus marquant que ce principe est mineur. Bref, "un incompris" est une pièce très courte de quatorze pages (écrite seulement pour allonger la représentation de "Fils de personne") que j'aime bien pour ce qu'elle veut dire.