Arthur Miller
Mort
D'un Commis Voyageur (1949)
Avant
propos :
Lorsque j'étais jeune et
fringuant, je regardais une série
américaine quelconque qui
devait s'intituler "Un toit
pour dix". Le père
de famille était un professeur
de sport ventripotent qui - dans
un épisode - montait une
pièce de théâtre.
Cette pièce - votre perspicacité
vous le souffle à l'oreille
- était "Mort d'un
commis voyageur". Si j'ai
oublié la série
télé, je n'ai pas
oublié le titre de la pièce,
dix-sept ou dix-huit ans après.
La raison en est peut-être
le mystère qui l'entoure
parce que le vocable "commis
voyageur" a quelque chose
de fascinant. Et il l'est d'autant
plus (fascinant) que le titre
original - "Death of a salesman"
- est un peu naze. Vous imaginez
si le texte était sorti
en français sous le titre
"Mort d'un commercial"
?
Mort d'un comique voyageur :
"Mort d'un commis voyageur"
est un drame !
Willy Loman est un commercial
en fin de carrière qui
sillonne les Etats-Unis avec sa
valoche. La soixantaine passée,
il n'est plus capable de prendre
sa caisse pour aller bosser. Tout
fout le camp. Son truc, à
Willy, c'est la réussite
sociale. Mais quand on est commis
voyageur à soixante berges,
endetté par sa machine
à laver et son assurance
et que le volant nous glisse des
mains, c'est que - ma foi - quelque
chose a mal fonctionné.
Alors Willy Loman se ment et se
raccroche vaille que vaille à
son passé.
La pièce est ainsi faite
que le spectateur appréhende
les situations du point de vue
de Willy Loman. On passe sans
transition, donc, du passé
au présent et de lieu en
lieu sans jamais que la pièce
ne s'arrête (elle n'est
qu'en deux actes). Loman revoit
ses enfants jeunes (promis à
un bel avenir), son oncle Ben
(qui a réussi sa vie) et
se dit que oui, ça va marcher
alors que non, ça ne marche
pas. Il est comme ça, Willy,
tellement sûr de la réussite
de ses entreprises qu'il vit dans
une sorte d'offensive permanente
désespérée.
Il en veut !
Et au plus il en veut, au moins
il en a, au plus il se ment. Et
lorsque ses fils - Happy le tombeur
sans situation et Biff l'inadapté
ex-future star de l'univers -
lui assènent la vérité,
Willy fait la sourde oreille et
s'enfonce dans un délire
de plus en plus gratiné.
Et si le lecteur se rend compte
que l'attitude de Willy - ultra
positive et conquérante
- a gâché la vie
de ses enfants, sa vie - sans
remise en question et sans la
moindre once de raison - le mène
lui aussi à sa perte.
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LA
CRitiQUE D'UN AUtRE
BOUQUiN
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