ACCUEiL

disques

CHRONiQUES MUSiCALES

AUtRES

Des sons barbares...

Miles Davis
Live at The Fillmore East (March 7, 1970)
- It's About That Time (2001)


Dans la bien longue série il-y-a-toujours-un-live-de-Miles-Davis-à-critiquer voici en cette joyeuse journée un témoignage de la période davisienne du début des années 70 avec Wayne Shorter (saxophones), Chick Corea (claviers), Dave Holland ( basse), Jack DeJohnette (batterie) et Airto Moreira aux percussions.

La musique, déjà étonnante en studio, prend ici une autre dimension, libérée de toutes contraintes et donc plus dure. Les thèmes sont à peine perceptibles (pour le connaisseur) et totalement abscons pour l'auditeur non initié qui oserait, le téméraire, se lancer dans l'écoute de ce double cd live non formaté.

Les différents titres ne sont là que comme prétexte à de hardies recherches dans une liberté qui étonne et déconcerte. Miles et ses ouailles s 'en donnent à cœur-joie dans un délire à peine contrôlé cherchant un ailleurs musical. L'un des titres ne s'appelle-t-il pas fort justement "Directions" ?

Les thèmes s'enchaînent, s'imbriquent les uns aux autres comme portés par une énergie - qu'on a du mal à percevoir tant elle est énorme - et dans une orgie de sons barbares tentant de dépasser les limites du possible, chacun donnant l'impression de perdre tout contrôle de son instrument comme près du point de rupture. Force est de constater qu'il est difficile de suivre Miles Davis dans cette direction à moins d'être initié à son œuvre électrique. De plus, la qualité du son assez médiocre peut encore plus rebuter.

Finalement, l'intérêt de cette parution dont les motivations profondes ne sont sûrement pas forcément d'ordre historique, me semble être de permettre de mieux comprendre comment Miles Davis travaillait ses futures œuvres studios qui semblaient sorties de nulle part, alors qu'elles s'ébauchaient sur la scène, sorte d'atelier de recherche permanente.

Miles Davis prouve bien ici qu'il a définitivement quitté les rivages d'un jazz codifié pour partir vers des terres inconnues où l'électricité se mêle aux rythmes africains, à la soul, à l'univers hendrixien et sous une rigueur toute jazzistique, Miles Davis y ajoutait la sueur du funk et une certaine forme de transe.

En fin de compte, ce double cd live est à réservé aux inconditionnels, bien sûr. Les autres qui veulent s'initier à l'œuvre de Miles Davis devront plutôt faire le parcours chronologique initiatique en passant d'abord par les albums studios, effort gigantesque mais, oh combien passionnant.

Pour conclure, je dirai qu'en voyant la pochette de ce live, il me vient à l'esprit que si Miles Davis était encore en vie, il n'aurait sans doute pas toléré qu'on sorte cet album sous un design aussi laid.