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Un bouquin simple…

Charles C. Mann
1491 : Nouvelles Révélations Sur
Les Amériques Avant Christophe Colomb (2005)



Introduction débile :

J'étais chez Malraux et je cherchais un livre sur la conquête du Chili. J'ignore s'il en existe en Français mais toujours est-il que je n'en ai pas trouvé et que je me suis rabattu sur "1491" car j'aime les gens qui prétendent changer la face du monde. Outre le titre ultra accrocheur du bouquin : " NEW REVELATIONS of the Americas before Columbus", il est écrit ceci sur le quatrième de couverture : "MONUMENTAL et CAPTIVANT, un essai REVOLUTIONNAIRE qui BOULEVERSE notre vision historique et culturelle des Amériques avant Christophe Colomb".

WOW !

Sans me vanter aucunement, pour bouleverser ma vision historique des Amériques, il faut se lever tôt. Quand j'ai dans les mains un bouquin comme celui là, j'ai toujours l'impression de lire un magazine à sensation qui aurait à la une : "REVELATION MONUMENTALE sur le sexe des écrivains : George Sand était une FEMME !" alors que nous savons tous parfaitement que George Sand était un homme. De plus, "1491" a une bibliographie débordante qui s'étire sur 46 pages avec... 1195 références. J'ai survolé les titres inconnus jusqu'à tomber sur "Les conquêtes du Mexique et du Pérou" par William Prescott. Celui-ci, je l'ai acheté lorsque j'étais à Montpellier il y a six ans. Prescott est un type qui fait des envolées lyriques pour parler de la mort d'Atahualpa. Bref, c'est un historien du XIXe siècle qui fait de la littérature au lieu d'établir des faits. Comme source il y a vraiment pire mais il y a plus crédible (et plus sobre).

A cet instant précis, tout était réuni pour que "1491" soit une horreur innommable racoleuse dont le fond n'était qu'un mélange d'autres livres sur le même sujet. N'importe qui en constatant ces détails déplaisants aurait abandonné. Mais il se trouve, grâce à Dieu, que je ne suis pas n'importe qui.

Le livre :

Charles Mann n'est pas de la famille de Thomas Mann. Enfin, pas que je sache. Charles Mann est un scientifique américain qui bossait sur l'ozone au début des années 80. Un jour il a vu Chichén Itza et a été victime du syndrome de Stendhal quand bien même il ne fut pas à Florence. Dès lors il consacra sa vie à la culture méso-américaine. Ça faisait 25 ans que le mec planchait sur ce sujet, d'où les 1195 livres de la bibliographie. Charles Mann, vous lui montrez une pyramide en ruine et il vous lit tous les bouquins édités depuis cinq siècles. Mais la qualité première de Mann n'est pas sa passion pour la chose mais son statut de scientifique.

Lorsque j'étais un jeune adonis que notre monde nauséabond n'avait pas encore corrompu, j'aimais l'archéologie. Je me passionnais pour l'espèce humaine, pour la préhistoire, pour l'homo sapiens sapiens qui était deux fois sage à défaut d'avoir une gueule de jeune premier. Je crapahutais des heures durant dans les collines pour dégoter la strate idéale qui me procurerait, après quelques coups de piolet, le fossile d'un escargot grabataire. Bref, en ce temps-là, j'étais un tantinet darwiniste et la spéciation me fascinait ainsi que l'évolution, la sélection naturelle et j'en passe.

Ce que l'on retrouve dans "1491", c'est l'angle d'attaque de ma jeunesse, celui des scientifiques. L'ADN et le carbone 14 n'étaient pour moi que des souvenirs vaporeux disparus derrière des années d'histoire car là où commence l'histoire, l'archéologie disparaît. En lisant "1491", je me suis soudain souvenu de ce qui fait l'effroyable supériorité du scientifique : l'esprit de synthèse !! Prenez un scientifique, faites-en un historien et vous obtenez un surhomme. J'allais dire "vous obtenez moi" mais je n'ai pas osé. J'oserai la prochaine fois, promis.

"1491" est un bouquin simple. Le lire après William Prescott, c'est comme lire Daniel Levy après Marcel Proust. On a l'impression que notre QI a augmenté de 70 points. Tout est clair, on va à l'essentiel et justement, ce qui m'intéressait se situait dans cet essentiel, soit dans les découvertes scientifiques récentes. Je n'ai donc pas lu les passages purement historiques. J'aurais pu le faire tant ils étaient... simples mais je n'étais pas là pour ça.

Dans "1491", j'ai appris que les khipus seraient une écriture en trois dimensions et pas une sorte de boulier antique. Le noeud du khipu serait "un nombre codé en binaire sur 7 bits"........ et chaque ensemble encodait "une des 26x24 unités d'informations distinctes possibles, soit 1536". Vous imaginez un littéraire écrire ça ? Pour un historien, 1536 ne peut être qu'une date. Bref, les Incas écrivent (peut-être) en trois dimensions et se font botter le cul par trois espagnols illettrés. C'est à n'y plus rien comprendre.

Mann tente également d'expliquer pourquoi une civilisation qui fabrique des roues pour les jouets de ses enfants n'a jamais songé à en faire des plus grosses pour construire des chariots, comment quatre cochons enrhumés débarqués par Hernando de Soto ont éradiqué 90% de la population des natifs là où une peste ne tuait que 10% des européens, pourquoi le nouveau monde était plus peuplé et plus ancien que l'ancien, etc.

Ce qui m'a botté, dans "1491", ce sont les détails car la réponse, mes amis, se trouve dans ces petites choses annexes. La réponse à quoi ? Eh bien la réponse à tout, pardi.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à trouver les découvertes scientifiques récentes postérieures à 2005.