Chaque fois que je suis sur le point de rater mon bus, j'entends toujours le thème musical des "Chariots de feu" et je me mets à courir au ralenti, la bouche ouverte en un rictus de souffrance et la tête rejetée en arrière. Et finalement je prends le métro. "Les chariots de feu" est un film de sport qui fit fureur à sa sortie (oscar du meilleur film en 82) mais je me demande si quelqu'un s'en souvient encore aujourd'hui. On y trouve Abrahams, le juif, qui vise à l'excellence et Liddell, le chrétien, qui est sublimé par Dieu. Tous les deux iront au delà d'eux-mêmes grâce à l'athlétisme lors des jeux olympiques de 1924. Le reste reprend les éléments classiques du film de sport : l'objectif, la rivalité, la défaite face au rival, l'entraînement, le tournoi, la victoire en finale (au ralenti) et Liddell a une gonzesse qui ne le comprend pas. Ici cependant les rivaux sont dans la même équipe et, surtout, ne s'affrontent pas en finale. Seule la vérité historique peut enrayer la marche infernale des conventions cinématographiques pourries. Finalement l’initiative individuelle et la recherche unique de la victoire apporteront la gloire à Abrahams alors que ses potes aristocrates en peignoir perdront, et l'amateurisme des Anglais sympathiques et joviaux triomphera du professionnalisme des Américains arrogants et bodybuildés. Sans doute me direz-vous que "Les chariots de feu", finalement, est un film un peu con, et qu'au-delà de la course dans la cour de Cambridge, on s'emmerde. Peut-être, oui, mais c'est toujours l'occasion de voir l'athlétisme à l'ancienne avec la piste en cendrée, les starting-blocks à la truelle, les couloirs séparés par des cordes et le chronométrage à la main.

PS : La Marseillaise lors de la rencontre Ecosse-France est ainsi : "Entendez-vous dans les campagnes contre nous de la tyrannie l'étendard sanglant est levé, l'étendard sanglant est levé, entendez-vous dans les campagnes" et l'hymne s'arrête. On se moque de nos sportifs d'aujourd'hui qui ne la chantent pas mais en 1923 les mecs disaient n'importe quoi.