Ne
reculant devant aucun sacrifice
et grâce à mon
super propulseur tempo-modulateur
à rayonnement cosmologique
turbo-diesel d'occase, je me
suis projeté dans le
passé. Plus précisément
le 8 décembre 1980 vers
22 heures à New York.
J'ai alors rencontré
pour vous le beau et le sémillant
John Lennon dans son studio
alors qu'il travaillait à
l'enregistrement de nouvelles
chansons.
Alors, John, le rêve est
fini ?
On peut le dire... Avant, j'étais
le morse, maintenant je suis
John.
Ah
bon ?
Comme je vous le dis. En plus,
c'est tellement con un morse
que je préfère
être moi.
John,
que regrettez-vous de l'époque
des Beatles ?
Oh, pas grand chose. Seulement
que McCartney ait composé
des chansons pour le groupe.
Vous
n'aimez pas McCartney ?
Au contraire, je lui trouve
plein de qualités. Il
est beau et c'est quand même
lui qui a composé "All
you need is love".
Excusez-moi,
John, mais, c'est plutôt
de vous ça.
Ah bon ?
Je
crois, oui.
Possible après tout.
J'ai tellement composé
pour les Beatles que parfois
j'ai du mal à me rappeler
si c'est de moi ou de Paul.
En plus les titres étant
signés Lennon et McCartney,
c'est con et ça aide
pas.
En
tout cas, vous avez plus les
faveurs de la critique que McCartney.
Un bon point pour vous.
C'est normal vu que je chante
des trucs comme "Give peace
a chance" ou "Working
class hero" et que je donne
des interviews tout nu avec
ma femme.
Ca
ne vous gène pas de vous
montrer in naturalibus ?
Hein ?
Dans
la tenue d'Adam.
Qui ça ?
Euh...
à poil
Pas du tout. Faut savoir que
McCartney est peut-être
plus beau que moi mais d'un
autre côté, c'est
pas pour me vanter, mais je
suis pas trop mal fichu.
Et
votre femme ?
Elle aussi, bien sûr,
je vais pas me balader avec
un gros tas. Mon image en prendrait
un sérieux coup... même
auprès de la critique
et en chantant en plus "Woman
is the nigger of the world".
John,
êtes-vous encore un chanteur
engagé ?
Absolument pas.
Pourquoi
ça ?
Parce que j'ai plus le temps.
Mes journées sont trop
prises entre l'enregistrement
de guimauves, mes après-midis
des redifs de Serpico
à la téloche,
mon club loto et mes soirées
plateau-télé devant
mes jeux préférés.
Vous
faites tout ça ?
Parfaitement... mais je me demande
si je devrais pas faire un peu
attention. La semaine dernière
quand je prenais ma douche hebdomadaire,
j'ai cru voir des bourrelets,
là.
Où
ça ?
Là, regardez... Ca m'inquiète
un peu.
Oui,
mais c'est pas grave dans la
mesure où vous ne donnez
plus d'interviews à poil.
C'est vrai, vous avez raison.
Yoko
Ono vous a-t-elle beaucoup apporté
?
Bien sûr. Grâce
à elle j'ai écouté
de la musique concrète.
Comment
ça se fait que vous la
laissez couiner dans vos disques
?
Je me le demande parfois mais
l'amour est aveugle... enfin,
sourd.
John,
qu'y avait-il de positif dans
les Fab Four ?
"Fab", c'est vite
dit. "Four", je veux
bien vu que c'est assez difficile
d'affirmer qu'on n'était
pas quatre. Mais si vous insistez,
je trouve que "Strawberry
fields for ever", c'était
assez sympatoche.
La
chanson "Imagine"
vous est-elle venue un soir
que vous regardiez aux actualités
les tristes nouvelles du monde
?
Pas du tout... En fait j'écoutais
une belle chanson française,
"Si tous les gars du monde",
chantée par les Compagnons
de la chanson, un super groupe
que m'a fait découvrir
un pote français. Vous
connaissez ?
Euh,
non.
Question look, ils étaient
plus forts que les Beatles,
les mecs. En plus ils étaient
une palanquée et super
engagés. Je me demande
même si leur chanson,
c'est pas finalement un truc
plus fort que "Imagine".
John,
il paraît qu'il y a quelques
temps vous avez suivi une analyse.
C'est vrai, ça ?
Bien sûr. En fait c'était
juste pour faire plaisir à
ma femme. Faut savoir que je
ne crois qu'en moi, Yoko et
moi...
Et
y'a eu du positif ?
Depuis j'ai plus l'angoisse
du soir quand je rentrais chez
moi et que je me disais : "Putain
! qu'est-ce que je vais faire
demain pour être encore
Lennon ?" Maintenant
je m'installe dans mes charentaises
et je regarde la roue de la
fortune en buvant une camomille,
c'est super bon la camomille
! Vous en avez déjà
bu ?
Euh,
non.
Vous devriez vous y mettre.
En
quoi ça consistait cette
analyse ?
J'essayais d'y pousser le cri
primal.
Vous
avez réussi ?
Pas fastoche mais j'y suis arrivé.
Je vous montre ?
Oui,
je veux bien.
Alors, il poussa un cri atroce
difficile à retransmettre
ici par écrit même
en gras et en augmentant la
taille de la police d'écriture...
Puis, et guère après
un court silence impressionnant
:
Ah oui, c'est quelque chose
!
C'est vrai, c'est pas rien.
En plus, c'est hyper dangereux.
Chaque fois je risque de m'étouffer...
Et faut savoir que ça
a fait des dégats aussi.
Lesquels
?
Mon psy est devenu sourd. Du
coup, il a dû changer
de métier.
Vous
avez dit un jour que les Beatles
étaient plus populaires
que le Christ. C'était
de la provocation ?
Pas du tout, c'était
la vérité.
Comment
ça ?
Le Christ, je l'aime bien ce
gars. Même qu'il me ressemble
un peu dans ma période
mystique mais, sans me vanter,
les Beatles, c'était
autre chose.
Ah
bon ?
Bien sûr, il a fait plein
de choses super sympas ce type
mais il a jamais eu le succès
qu'on a eu et surtout il aurait
sûrement pas été
capable de composer un truc
comme "I am the walrus".
Je vous en chante un bout ?
Si
vous voulez.
I am the eggman, they are
the eggmen.
I am the walrus, Kou kou tchouk
kou kou tchouk
C'est
vrai que c'est impressionnant.
Je vous le fais pas dire.
Que
pensez-vous de George et Ringo
?
C'est des p'tits gars sympas.
Ringo, il est marrant quand
il chante. George, il a fait
de belles chansons, je sais
plus lesquelles, mais bon, on
pouvait pas non plus être
les Beatles à deux quand
on s'appelle les Fab Four...
et puis ils étaient là
au début, difficile de
les remplacer.
Alors,
inquiet et pensant à
ce qui allait lui arriver, je
lui ai demandé :
Vous
avez, euh... des projets pour
ce soir, John ?
Pas grand chose en fait. Je
vais rentrer chez moi vite fait
vu que dehors ça caille.
Vous
pouvez pas aller plutôt
au ciné ou dans une pizzeria
?
Sûrement pas, manquerait
plus que je rate la rediff de
"Magical mystery tour"
à la télé.
Ca va être un grand moment.
Vous l'avez vu ?
Euh...
non.
Vous devriez. Et plus, y'a la
chanson "I am the walrus"
où j'ai un super déguisement.
Je vous en chante un autre passage
?
Non merci, j'ai plus le temps.
Je viens de me rendre compte
que j'ai pratiquement plus de
pile sur mon super propulseur
tempo-modulateur à rayonnement
cosmologique turbo-diesel d'occase.
Hein ? Quoi ? Keskidi ?
Alors, dès cet instant,
j'ai dû malheureusement
me reprojeter en cette triste
année 2025 laissant John
Lennon à son destin...
triste aussi.