Le
pont des arts
Eugène
Green (2004)
J'ai lu quelque part que "le
pont des arts" était
un film qui côtoyait le gouffre.
Je n'aurais pu mieux dire. D'une
originalité intrigante, "le
pont" est une large réflexion
philosophique dont la particularité
- mise en scène théâtrale
(plans fixes, acteurs faisant face
au spectateur, diction pointue)
- est à la fois son principal
intérêt et sa plus
grande faiblesse. Pendant cinquante
minutes, je n'ai pu m'empêcher
de rire. La moindre discussion banale
devient parfaitement surréaliste
car prononcée avec un phrasé
d'un maniérisme confondant
avec toutes les liaisons ("je
suis d'accord tavec toi") et
le film ressemble étrangement
à une parodie des Inconnus.
La première heure passée
- amusante ou parfois lassante -
j'avoue avoir regardé cette
étrangeté avec plaisir.
Entre des caricatures qui m'ont
laissé de marbre (le répétiteur,
le metteur en scène) et d'autres
qui m'amusaient davantage (les étudiants
en lettres), j'ai aimé voir
évoluer ces personnages inexpressifs
qui respectent la langue française
jusqu'au ridicule sur fond de Monteverdi
dans un Paris où même
dans le plus reculé des bars
une femme lit du Proust.
- Tu me quittes ?
- Oui
- Ce n'est pas sympa.
- Je ne cherche pas à être
sympa, je ne suis pas démagogue.
- Ce n'est pas bien élevé
non plus.
- Je ne suis pas bien élevée,
je suis philosophe.
- Tu as toujours été
philosophe mais tu ne me quittes
qu'aujourd'hui.
- Le silence me révolte.
- Je cherche à atteindre
le sublime.
- C'est dans le silence que la philosophie
meurt et que le fascisme naît.
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