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À l'excentricité
déconcertante...

Milan Kundera
L'immortalité (1990)


Pour Kundera (récemment décédé), le roman est une oeuvre qui ne peut exister qu'en tant que roman. Pour Kundera, le roman ne s'adapte pas au cinéma, ne s'adapte pas au théâtre. Le roman ne se raconte pas, il n'a de sens que par lui-même.

Pour résumer la vision de Kundera, je dirai que le roman se différencie de la chronique ou du compte-rendu par l'invention. Un roman ne connaît de limite que l'imagination de son auteur. Il est donc étrange de constater que le roman répond à des conventions.

L'auteur d'un roman raconte une histoire qu'il débute à la première page et conclut à la dernière. Il décrit ses personnages, les met en scène, les fait parler, se battre, courir, etc. Une infinie majorité de romans se base sur ce principe. Il s'agit du principe du roman.

La plupart des romans que Kundera admire et aime citer ne respectent pas ce principe. Ils sont donc anormaux et sont donc normaux. Pour ne pas utiliser un de ses exemples favoris, "Don Quichotte", j'utiliserai Kundera lui-même.

Dans sa pièce en hommage à "Jacques le fataliste" (de Diderot), Jacques et son maître sont conscients d'être des personnages inventés et sont conscients qu'ils se trouvent devant un public, sur une scène. Dans une pièce de théâtre traditionnelle, les personnages ne vivent que dans leur propre univers.

Dans les romans de Kundera, il y a une troisième personne qui est toujours présente. En général, cette troisième personne est Milan Kundera lui-même. Il n'est pas forcément partie intégrante du roman mais on ne peut pas s'en dépêtrer. Milan Kundera n'écrit pas une histoire, il la raconte. Fatalement, il s'arrête parfois dans son récit pour expliquer ou pour faire des digressions.

Des quatre romans de Kundera que j'ai lus, "L'immortalité" est celui qui caractérise le plus ce style décousu et original. Si "La lenteur" est une sorte de canular insensé (et c'est ce que j'ai aimé), "L'immortalité" est totalement irrationnel mais sans se départir de son sérieux.

Autour de la thématique de l'immortalité (qu'il perd parfois de vue), Kundera fait s'entrecouper toutes ses histoires, ses inventions, des personnages réels et diverses anecdotes. Le plaisir de la lecture dépend énormément du plaisir de la découverte alors je m'en tiendrai là.

Alors, bien sûr, "L'immortalité" est long (il passe les 400 pages). Kundera s'épanche longuement sur Goethe. Le livre découpé - en sept parties - a un coeur un peu longuet et pas des plus intéressants malgré quelques interventions pertinentes. Mais l'excentricité du roman est déconcertante et donc fortement plaisante.

Si "L'insoutenable légèreté de l'être" est ce que Kundera a écrit de mieux, "L'immortalité" est le roman de Kundera qui représente le mieux le roman selon Kundera.

La citation : "Si nous aimons quelqu'un, nous ne pouvons le comparer. L'aimé est incomparable."

Un peu plus sur Kundera

Un jour, quelqu'un m'a dit à peu près ceci : "Pourquoi est-ce que tu continues à t'intéresser à quelque chose alors que tu sais que ça ne te plaît pas ?".

(Ce "quelqu'un" était du genre à ne sortir de Tolkien que pour lire Weis & Hickman. Du genre à nager dans la médiocrité avec la bouche ouverte. Du genre à ne pouvoir éviter la noyade.)

Je lui ai répondu : "On ne sait jamais".

Aujourd'hui, j'aime bien regarder des films de Woody Allen. Il n'est pas le réalisateur que je préfère ni un acteur devant lequel je me plais à m'extasier mais Woody Allen, je l'aime bien. Avant de trouver un film intéressant dudit Allen, j'en ai regardé six. J'ai subi six films de Woody Allen en sachant qu'il m'agaçait.

Diable ! Si ce n'est pas de la patience, si ce n'est pas de la constance, si ce n'est pas de la persévérance un peu folle, si ce n'est pas une indéfectible fidélité à cet art qui est le septième ! Oui, c'est tout ça en même temps.

En quoi est-ce lié à Milan Kundera ? J'y viens.

Il y a sept mois, une fille aux cheveux mordorés me parlait souvent d'un livre dont le titre est "L'insoutenable légèreté de l'être". Ce livre a été écrit par Milan Kundera. Il est son plus connu et jouit auprès de ses lecteurs d'une certaine renommée. En deux mots, c'est ce que Kundera a écrit de mieux.

Evidemment, ça m'a piqué, que dis-je, ça m'a excité. J'ai donc lu ce livre en juin dernier et je n'en ai jamais vu le bout. Encore aujourd'hui, je ne l'ai pas terminé. Inutile d'insister sur cet auteur, donc, puisque son meilleur livre ne me plaît pas.

Ce n'est que trois mois plus tard que j'ai tenté un deuxième Kundera, tout à fait par hasard, alors que j'étais dans un supermarché. Pourtant, rien n'est fait pour charmer l'intellect dans un supermarché. Rien que le mot "supermarché, déjà, est méprisant. Par exemple, ne dit-on pas que Francis Cabrel fait de la poésie de supermarché ? Si. Vous voyez bien que c'est péjoratif.

J'ai donc lu, sous un soleil italien de plomb, "L'ignorance" et j'ai aimé. Depuis, j'ai lu sept nouvelles, cinq romans et une pièce de théâtre de Milan Kundera.

Si ce n'est pas de la fermeté d'âme, diable, qu'est-ce donc ? Inutile de répondre, je sais lire sur vos lèvres.