Jimi
Hendrix
Hendrix
In The West
(1972)
Je croyais avoir tout écouté.
J'étais passé
par toutes sortes de choses
: du génial au plus nul,
du progressif le plus compliqué
au métal le plus décapant,
du crossover le plus sportif
au black le plus extrême,
du jazz le plus free au commercial
le plus futile.
J'avais même, à
une époque - lassé
d'ingurgiter des tonnes et des
tonnes de rock - plongé
dans une mare classique, gluante
à souhait, romantique
et impressionniste.
La musique sérielle,
glacée et angoissante,
m'avait redonné le goût
aux envolées FM de quelques
pseudo-rockeurs à la
guitare en forme de tiroir-caisse.
Puis, vint un été
chaud.
Trois jours d'un week-end d'août.
(Non ! Pas comme à Woodstock
!)
Mais, repos, canicule et musique.
J'enregistre la canette à
la main.
Tiens, un 33 tours d'Hendrix
!
Nonchalamment, je mets "In
The west".
Pochette pas terrible. Son pourri.
Quelques titres de Rock 'n'
roll début 60 passés
à la moulinette Hendrix.
"Johnny be goode"
tue ce pauvre Chuck Berry une
deuxième fois ! "Blue
suede shoes" est assez
décalé et avant-gardiste.
Hendrix joue les iconoclastes
avec sa version de l'hymne anglais.
"Voodoo chile" est
incontournable. Le sergeant
Pepper des Beatles décape.
"Little wing" est
magique... et pour terminer
en apothéose, la version
longue (très longue)
de "Red house" est
énorme. Un truc incontournable,
monstrueux, âpre, viril,
viscéral et définitif
: un blues
comme je n'en avais jamais écouté.
D'un coup, tous les BB King,
le Muddy Waters, les John Lee
Hooker, les Robert Johnson se
mirent à ressembler à
de tristes apprentis guitaristes.
Leur blues était devenu
aussi futile que le dernier
album de Soprano. Au panier
! Enterré Vaughan et
ses aimables ritournelles de
deuxième division. Au
placard les Taylor et les Ford,
suiveurs distancés. Oubliés
les péquenots hurlant
leur négritude en cueillant
le coton un soir de Caroline
du sud quand gronde au loin
le canon des Confédérés.
Finis les "Old man river",
les "Porgy and Bess"
et les "Shake it baby".
Terminés les crapahuteurs
des Road 66 et leurs guitares
qui pleurent le soir, près
d'un motel sordide. Finis les
spleeneurs des Bayous qui hurlent
à la nuit glauque et
humide de Louisiane...
Quoi ? J'en fais trop ? Possible,
en tout cas, la musique d'Hendrix
n'avait pas fini de me prendre
aux tripes.