Le
jazz
D'où vient ce mot?
Alors que vous êtes bien
installé devant votre chaîne
hi-fi à vous régaler
d'un vieux vinyle de Stan Getz
et son saxophone magique, vous
vous demandez sans doute : "C'est
vrai ça, mais d'où
vient le mot Jazz ?"
Eh
bien, je vais de ce pas vous l'expliquer.
La musique de Jazz était
connue au début du siècle
dernier, mais elle n'avait pas
de nom. On la jouait, on l'écoutait,
c'est tout... du moins les noirs
que l'on appelait "négros",
des pauvres bougres qui dormaient
sur des paquets de planche et
chantaient seulement le dimanche...
Putain, le blues qu'ils avaient
!
A la fin des années 20,
à l'époque où
l'on croyait dur comme fer que
le blanc est un être supérieur
sous prétexte qu'il avait
jadis mis au point la civilisation
dite "à coup de trique"
qui avait pour but de payer gratis
aux noirs un voyage au nouveau
continent afin de passer de belles
vacances dans le coton, à
cette époque donc, on commença
à donner à cette
musique le nom de "jass"
dans un quartier particulièrement
sordide de Chicago au fin fond
d'une ruelle sombre et glauque.
Toutes les recherches faites à
ce sujet par les plus éminents
jazzologues n'ont pu aboutir et
à l'heure où j'écris
ce texte, on ne sait malheureusement
pas le nom de celui qui prononça
pour la première fois le
mot "jass".
En entendant pour la première
fois cette musique âpre,
chaude, dansante et sensuelle,
il déclara :
- Putain, ça c'est du jass,
les gars ! Puis, il cracha sur
le parquet de bois, alluma un
cigare et commanda une bière.
- Tu l'as dit bouffi ! lui répondit
son voisin de table dont le nom
ne figure pas dans Historia.
Ce mot de "jass" - qui
pourrait faire penser à
quelques bergeries perdues dans
les montagnes bas-alpines de notre
belle France -, venait en vérité
de l'argot du coin et signifiait
à peu près quelque
chose comme "amour"
car la danse qui accompagnait
cette musique était une
sorte de pantomime de l'amour.
Ce n'est que plus tard que le
"jass" devint le "jazz"
en s'assagissant, une fois récupéré
et apte à être donné
en pâture à la consommation
d'un public plus vaste.
Depuis le mot "négro"
a disparu officiellement du vocabulaire
des blancs, du moins de certains
habitants au nord de l'Alabama
et le Jazz, lui, a évolué
en bien mais, longtemps, il a
véhiculé le cliché
d'une musique improvisée
dans une cave par des musiciens
qui balancent leur swing face
à un public de blancs snobs
qui se perdent dans la fumée
de leur Marlboro tout en essayant
de trouver un sens à leur
vie en se demandant si l'existence
précède l'essence.
Finis les musiciens qui jouent
en costard noeud papilllon puis
partent vite dans leur loge se
piquer pour pouvoir être
meilleurs que Coltrane.
Le jazz n'est pas, non plus aujourd'hui,
une musique de "constipés"
qui font n'importe quoi en soufflant
comme des dératés
dans leur saxophone.
En 2025, les chorus du jazz s'entendent
depuis les grands espaces glacés
de la Norvège jusqu'à
la pampa de Buenos Aires et l'on
peut voir de grands blonds, beaux
et propres sur eux, comme de petits
bruns basanés se laissaient
aller à un swing que l'on
croirait tout droit sorti d'un
champ de coton de la Nouvelle-Orleans
où l'on cherchait des miettes
sous les tables avant que les
blancs ne marchent dessus.