Guns
n' Roses
Bercy,
Le 13 Septembre 2010
Avant de vous parler de Guns n'
Roses, il me semble honnête
et opportun de dire quelques mots
sur un très beau groupe nommé
Murderdolls. Entre mon arrivée
en retard et mon passage par les
toilettes, j'ai bien dû les
voir jouer vingt minutes. J'ai retenu
"fuck", "drugs"
et "motherfucker". Le
chanteur nommé Wednesday
13 (!?) nous a raconté que
baiser et se droguer, y'avait que
ça de vrai, et qu'il aimait
tellement le mot "fuck"
qu'il avait écrit une chanson
pour lui rendre hommage. Ensuite
il a parlé de drogue puis
a demandé au public de dire
"fuck you" avant de chanter
un morceau consacré à
la drogue. De plus il avait un parapluie
sur lequel était écrit
"fuck". Bref, j'aurais
dû rester aux chiottes vingt
minutes supplémentaires ou
bien chez moi et me pointer beaucoup
plus tard. Par "beaucoup",
j'entends 1h15 après la fin
de Murderdolls, soit à peu
près 22h30.
Tous ceux qui se sont offusqués
que Guns n' Roses se soit présenté
sur scène plus d'une heure
après la fin de Murderdolls
se sont entendus dire qu'Axl Rose
était rock n' roll. Tu pensais
qu'Axl Rose était un connard
irrespectueux ? Eh bien non, pas
du tout, il est rock n' roll. Et
si tu n'es pas rock n' roll toi-même,
pfff, t'as rien à faire là
! Quant à savoir ce qu'ils
en penseraient, ces gens rock n'
roll, si vous leur filiez rencard
et arriviez avec une heure de retard,
je l'ignore. Quoi qu'il en soit,
toi, lecteur, tu n'es pas Axl Rose
alors tu as intérêt
à être à l'heure
! Et si tu l'es (Axl Rose), alors
permets-moi de te poser une question
: t'es-tu teint le bouc en roux
ou as-tu réellement des poils
de barbe orange fluo ?
Bref, pour vous dire que l'attente
fut longue, Bercy a fini par lancer
une ola. Or nous savons tous qu'un
public qui fait la ola est un public
qui s'emmerde. La ola, d'ailleurs,
a été popularisée
en 1986, souvenez-vous, quand Maradona
mettait la misère à
Peter Shilton. Et Maradona, ça
c'est un mec rock n' roll ! Mais
bon, hein, qu'importe ta nuit précédente
trop courte, ta journée de
boulot pourrie et l'assurance de
devoir marcher 1h40 pour regagner
tes pénates à pied
jusqu'aux tréfonds du 18e
arrondissement une fois le concert
terminé. Qu'importe oui,
car tu es venu voir Guns n' Roses,
mon pote !
Le set de Guns n' Roses a commencé
par "Chinese democracy".
Depuis ma position, ça se
rapprochait à peu près,
vaguement, de quelque chose d'inaudible.
Il y avait un truc compact difforme
et, par dessus, surmixé,
Axl Rose ! Vous avez cru que Rose
était le truc compact difforme
? Non, n'exagérons rien.
Seulement, Axl Rose, disais-je,
avec son chapeau mou et son jean
troué, a besoin de chauffer
sa voix pour fonctionner à
pleine puissance. Du coup le début
du concert m'a jeté comme
un froid. J'avais patienté
une plombe - et accessoirement dix-neuf
ans - pour entendre un groupe de
bal qui jouerait dans son garage...
Et Rose, sa voix, j'avais l'impression
qu'il la foutait n'importe où.
Si Axl Rose ne chante plus comme
Axl Rose, bon sang, Axl Rose n'est
plus Axl Rose. Et si Axl Rose n'est
plus Axl Rose, pour le coup, il
ne reste plus un seul musicien de
Guns n' Roses dans Guns n' Roses...
Et ne me parlez pas de Dizzy Reed
! Quand ça fait des années
que tu écoutes Rose sur album,
voir évoluer sur scène
un mec qui te fait penser à
Benny Hill fringué comme
Michael Jackson avec la voix de
Neil Young, accompagné par
un vulgaire boucan de chantier de
construction et des images hideuses
diffusées sur écran
géant... le drame.
Ensuite il y a eu "Welcome
to the jungle". Et là,
je suis passé du tout au
tout. Parce que "Welcome to
the jungle", do you know where
the fuck you are ?, c'était
comme si j'étais à
nouveau en 1991, en train de découvrir
Guns n' Roses. "Welcome to
the jungle", donc, m'a ravi.
Je n'entendais pas davantage ce
qui était joué mais,
bon Dieu, c'était "Welcome
to the jungle" ! Ensuite le
groupe a déroulé jusqu'à
"Sorry", qui porte finalement
bien son nom, puisque j'ai été
horrifié. Avec le recul,
je me rends compte qu'à part
un ou deux morceaux (disons plutôt
un), tout ce qui était issu
de "Chinese democracy"
m'a effrayé. Soit parce que
je connais moins bien l'album et
que mon oreille n'a pas comblé
les manques imputables à
la sono, soit parce que les originaux
sont trop compliqués, trop
produits, trop mixés et impossible
à rejouer, soit parce que
trois guitaristes de front, ça
fout le bordel. Le fait est que
c'était moche, autant "CD"
que "Better", "Street
of dreams" ou "Shackler's
revenge". Quant à "Sorry",
ce fut le pompon. Pas tant à
cause de l'instrumentation que de
la voix d'Axl Rose. Ce mec a quand
même soufflé le chaud
et le froid pendant 2h30. Et quand
Rose chante faux sur un morceau
plus calme, c'est plutôt démoralisant
parce qu'on l'entend beaucoup mieux.
Cependant, faux ou pas, il est évident
que tout le monde était venu
pour lui. Comme tout le monde vient
pour Slash (Myles Kennedy ? Jamais
entendu parler), tout le monde est
là pour Rose (DJ Casbah ?
Jamais entendu parler). Et même
Dizzy Reed, lorsqu'il est descendu
faire son solo de piano... il s'est
fait siffler. Tout le monde s'en
tape du solo de piano de Reed !
Les gens veulent voir Axl Rose chanter
"Nightrain" et c'est tout.
D'ailleurs, en parlant du célèbre
Dizzy Reed, laissez-moi vous parler
des autres membres du groupe. Oui,
il y en a d'autres, et ils sont
même carrément sept
(huit avec Axl). Sur les sept, je
compte déjà deux fantômes
: Tommy Stinson, tout d'abord, à
la basse, qui est tellement discret
qu'une bande sonore ferait aussi
bien l'affaire. Quant à Chris
Pitman, putain, on ne l'a même
pas vu ! Et je ne suis pas sûr
qu'on l'ait entendu. Même
Ferrer a la batterie ou Reed au
piano ont plus de présence.
Quoi qu'il en soit, deux claviéristes
sur scène pour jouer la suite
pour deux pianos n°1 de Rachmaninov,
je ne dis pas, mais pour "Sweet
child o'mine", ma foi, ça
ne me semble pas indispensable.
Après tout, à quoi
servait Teddy Andreadis, à
la grande époque ? Je ne
sais pas très bien. Ensuite
il y a DJ Ashba, le nouveau guitariste
soliste (quelque chose comme le
dix-neuvième musicien officiel
de l'histoire du groupe). Il porte
un chapeau et joue sur une Gibson,
clope au bec... Ça ne s'invente
pas. Malgré la ressemblance
évidente avec l'original,
on ne peut pas enlever à
DJ Ashba son jeu de scène.
Outre Axl Rose, il est un peu le
seul à exister. Ensuite il
y a Ron Thal (le remplaçant
de Buckethead, le plus fendard des
guitaristes de la planète)
et Richard Fortus dans le rôle
de Stradlin. Pourquoi trois guitaristes
? Pour qu'il y en ait un avec un
jeu traditionnel (Ashba) et l'autre
qui fasse des sons bizarres (Thal)
? Peut-être. L'encombrement
sonore, pourtant, doit aussi venir
un peu de là. Quant à
l'aspect "tribute band",
évidemment, j'ai du mal à
me l'ôter de la tête.
Tous ces mecs font bien leur boulot
mais ils n'ont rien composé
(ou peu) de tout ce qui a été
joué.
Pour vous donner une idée,
chaque guitariste a joué
un solo. Si "The ballad of
death" de DJ Ashba dépote
grave, les autres - non contents
de déjà faire des
reprises de Guns n' Roses - proposent
le thème de James Bond et
de la Panthère rose... Thèmes
recomposés, évidemment,
mais putain, les gars, vous auriez
pu prendre une partition et faire
quelque chose à vous, pour
l'occasion. J'ai franchement vu
le moment où ils allaient
jouer le Parrain...
Enfin, c'est probablement entre
"Live and let die" et
"This I love" qu'Axl Rose
a commencé à retrouver
sa voix. Le bonhomme fonctionnait
finalement à plein régime
(et il en avait bien besoin, si
vous me permettez le double sens).
Déjà, il n'y avait
plus cet écho désagréable
(ou peu importe ce qu'ils avaient
foutu sur sa voix) et non seulement
Rose tapait davantage juste mais
il commençait même
à en rajouter. Parce qu'un
Axl Rose sans "aïaïaïïï
!", c'est triste comme la mort.
Cela dit, en ce qui concerne la
justesse de son chant (ou plutôt
l'injustesse), si son retour de
son était comparable à
ce que j'entendais, je lui pardonne
volontiers. Parce que la sono de
Bercy... malheur ! Et sortir soixante
billets pour entendre des bidons
dévaler un escalier, moi,
ça me fout les boules. Mais
bon, hey, je suis rock n' roll moi
aussi ! Alors à la sono,
je lui dis "fuck off"
et je lui fais un doigt.
Parce que je suis un fan, comme
vous, j'en ai le droit. Certes je
ne suis pas un trentenaire gros
et barbu, un peu dégarni,
avec le blouson en jean... Si, vous
savez, le prototype du hardos. PERSONNE
ne porte un blouson en jean sauf
le gros barbu un peu dégarni
lors des concerts de hard. Eh bien
je ne suis pas comme ça,
non, mais j'ai acheté, à
sa sortie, "Pawn shop guitars"
de Gilby Clarke ! Merde quoi, faut
être sacrément fan
pour en arriver là, reconnaissez-le.
Alors voilà, je suis fan.
Et s'il est de notoriété
publique que le fan est aveugle,
jamais personne n'a dit qu'il était
sourd. Alors je m'octroie le droit
de dire au son que pendant qu'il
nous emmerde, somebody's fuckin'
his wife. Et pour peu que j'arrive
à placer un paragraphe sur
la consommation de drogue dure d'ici
la fin, je serai l'égal de
Murderdolls.
Mais nous en étions à
"Rocket queen" puis "Street
of dreams" à la fin
de laquelle Rose chute (volontairement
?) de son piano, "You could
be mine" avec une course de
formule 1 diffusée sur l'écran
géant (?!?) et la doublette
flambante "Sweet child o'mine",
"November rain" ou plutôt
devrais-je dire la quadruplette
flambante "The ballad of death",
"Sweet child o'mine",
"Another brick in the wall",
"November rain". Eh oui,
après "Mother"
en ouverture de "Paradise city",
Axl Rose reprend une autre compo
de god himself Roger Waters. Morceau
d'ailleurs chanté par une
grande partie du public qui connait
mieux "we don't need no education"
que les paroles de "Madagascar".
Après la quadruplette magique,
la quadruplette horrifique : Bumblefoot
et sa panthère rose, "Better"
(terrifiante), "Knockin' on
heaven's door" et "Shackler
revenge". Concernant les morceaux
de "CD", je n'entendais
rien (et je déteste "Better").
Quant à "Knockin'",
c'est un peu le morceau que tout
le monde aime, évidemment.
Moi aussi, n'est-ce pas, mais pas
cette version dite "calme"
que j'avais déjà entendue,
me semble-t-il, au Rock am Ring
de 2006. J'aime quand "Knockin'"
est plus enlevée et que ça
crie. Et puis en concert elle dure
toujours dix minutes avec Axl Rose
qui fait chanter le public. Or,
faire chanter le public, ce n'est
quand même pas très
rock n' roll, je trouve. Surtout
si on se souvient d'Axl Rose jeune
plongeant dans la foule pour refaire
la gueule d'un type qui filmait.
Alors évidemment, en ce temps
là il était svelte,
souple, il ondulait lors de sa célèbre
danse du serpent, courait sans cesse
et bondissait de partout avec son
moule burnes. Disons le tout net,
tout en réaffirmant cependant
notre hétérosexualité
évidente et maintes fois
confirmée : Axl Rose était
beau. Aujourd'hui il compte surtout
sur son charisme. Il est bouffi,
il n'arrive plus à courir
et on a même parfois l'impression
qu'il va laisser son dentier sur
le carreau. Mais quand il va sur
le bord de la scène secouer
frénétiquement ses
bras malgré ses rhumatismes,
il soulève la salle. Toi
qui me lis, va donc bouger bêtement
tes petits bras tout frêles
et tu verras que personne ne hurlera.
Et finalement ? Eh bien ils ont
joué "Nightrain"
avec Ashba qui déambulait
en tribune, "Don't cry"
en version Ron Thal avec le public
au chant (relativement raté,
d'ailleurs), "Madagascar",
un catchy "Whole lotta rosie"
et l'inévitable final "Paradise
city". Et puis ça pète
de partout avec des confettis.
|