Georges Feydeau est un mec qui a écrit une pièce, un jour, intitulée "Cent millions qui tombent" mais il ne l'a pas terminée. Il a cherché, Georges, pendant sept ans mais jamais il n'a trouvé un dénouement à cette pièce. C'est tout à fait étrange.

Je ne comprends pas pourquoi Georges Feydeau n'est pas connu. Vous me répondrez sans doute qu'il l'est et je vous rétorquerai à raison qu'il ne l'est pas car, pour tout vous avouer, Georges Feydeau n'est pas connu. Disons qu'il l'est beaucoup moins que tout un tas d'autres types qui faisaient un théâtre bien moins accessible que le sien. Comme quoi, le temps rend guère hommage à l'accessibilité, comme si le temps était un cérébral. Là se situe la véritable question : le temps est-il un intellectuel ?

"Monsieur chasse !" est un des grands succès de Feydeau. D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé le premier acte, notamment le personnage de Moricet. Il se trouve que Moricet veut coucher avec Léontine qui est mariée avec Justinien (ah les prénoms du XIXe !). Léontine refuse car elle n'a aucune raison de tromper un mari fidèle. Or, ce dernier feint de partir à la chasse (d'où le titre) pour aller fricoter avec sa maîtresse. Lorsque Léontine l'apprend, elle accepte les avances de Moricet et celui-ci l'emmène dans sa garçonnière. Seulement, dans l'appartement voisin se trouve Justinien et je ne vous cache pas que ça tourne à la gaudriole vaudevillesque avec des types en caleçon dans les placards et une chiée de quiproquos.

Il n'y a pas énormément de choses à dire sur ce Feydeau (et sur les autres, j'imagine). C'est du théâtre de boulevard parfois amusant et parfois caricatural. Seulement, en 1892, ce n'était pas encore caricatural. Et puis il reste le style Feydeau bourré d'indications de mise en scène, celui qui en fait l'inventeur de l'écriture cinématographique. Je vous laisse vous faire votre idée :

Duchotel. - Sapristi ! Il faut que j'envoie une dépêche ! (Il fait mine de se diriger vers le secrétaire, mais à ce moment, Gontran, qui a continué son manège, est en train de lui tirer son pantalon sur le cou-de-pied, de telle sorte que Duchotel, retenu par la jambe, manque de tomber.) Mais laisse-moi tranquille, toi ! (Il va au meuble de droite et, s'apercevant que le meuble est boiteux.) Ah ça ! qui est-ce qui a retiré... Ah ! le voilà !

Il va prendre le livre de Moricet qui est sur la table et l'emporte pour en caler le meuble.

Moricet, apercevant son manège. - Ah ! non, mon vieux ! Non, pas ça !... prends Victor Hugo !