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Emma Daumas
L'interview


Ne reculant devant aucun sacrifice, j'ai rencontré la belle et sémillante Emma Daumas, le nouvel ange du rock français. Ca s'est passé l'autre soir après son fabuleux concert à La Cigale où l'ange resplendissant déploya ses ailes et fit son saut éthéré vers les foules ébahies dans une de ces salles chauffées à blanc où nait, dans le bruit et la fureur, le rock du XXI° siècle. Ce fut un de ces grands moments qui transcendent la vie et dont je ne suis pas peu fier d'avoir été un des témoins privilégiés.

 

Super, le concert ce soir, Emma !
Oui, j'avoue que j'étais pas mal. Surtout le maquillage.

Racontez un peu pour nos lecteurs.
Y'avait de bonnes vibrations entre le public et moi. Lui, surtout. Le message est bien passé. Ce fut un grand moment de rock and roll. Quand j'ai repris a capella "Sympathy for the devil" à la fin du set, ils étaient tous subjugués !

Vous faites du rock, Emma ?
Bien sûr ! C'est pas parce que je sors de la starac que je dois faire de la daube.

Justement, à propos de la starac, n'est-ce pas un fardeau un peu lourd à porter ?
En effet, il l'est. La starac c'est un peu comme un gros sac poubelle que tu descends le soir au container en bas de l'appart. Tu te languis d'arriver parce que c'est hyper lourd et ça sent. Vous comprenez ?

Euh... pas vraiment.
Maintenant qu'on commence à me reconnaître en tant que chanteuse de rock à part presque entière, je me sens aussi légère qu'un ange qui s'apprête à faire son saut sur le monde âpre et sans pitié du rock !

Pourtant votre succès n'est-il pas dû, quelque part, en grande partie à votre filiation avec la starac ?
Ma quoi ?

Votre public vient surtout vous voir parce qu'il vous a vue à la starac, non ?
Bien sûr. La starac, c'est quelque part une porte ouverte vers la célébrité. Mais qu'est-ce que la célébrité, hein ?

J'avoue, humblement, ne pas m'être posé la question.
Eh bien, je vais y répondre. La célébrité, c'est comme un sprint aux jeux olympiques. Tu gagnes en dix secondes. Par contre la reconnaissance d'un vrai talent, c'est comme le marathon, faut du temps.

Jolie métaphore olympique qui aurait sûrement plu au baron Pierre de Coubertin !
Qui ça ?

Celui qui a dit : "l'important c'est de participer".
Belles paroles, certes, mais fausses.

Ah bon ?
L'important c'est de gagner. Et j'ajouterai, si vous le permettez...

Je vous en prie, faites.
Gagner, oui, mais en sachant aussi attendre son heure. Le rock est une école de patience. Regardez un mec comme Peter Gabriel...

Il fait du rock ?
Je veux, oui. Eh bien, il a plus de soixante ans et c'est à peine si je commence à écouter ses disques.

Emma, ce prénom, c'est en hommage au roman de Madame Bovary ?
Madame Bovary ? Connais pas. Elle a écrit quoi comme bouquin ?

C'est un truc de Flaubert et l'héroïne s'appelle Emma.
Vous savez, je lis très peu. A part de temps en temps mon site officiel.

Vous avez un site ?
Ouais. Y'a même un jeu assez génial.

C'est quoi ?
Super Emma.

En quoi ça consiste ?
Celui qui joue est en quelque sorte le sauveur du bon goût. C'est la fameuse Super Emma. Sa mission, si tu l'acceptes, consiste à sauter, tel un ange, les ailes déployées, sur tous les méchants cracheurs de daubes et de les détruire à grands coups d'épée-laser. Le tout avec, en fond sonore, mon hit "Tu seras".

Ca me paraît intéressant.
Ca l'est !

Qu'est-ce qu'on gagne ?
A la fin, si vous faites le meilleur score, the great John Peter Foucault vous remet un disque d'or et éventuellement les palmes académiques.

Emma, êtes-vous d'accord avec le sympathique mais néanmoins frisé chanteur Pierre Perret qui a dit : "Une chanson, ça s'oublie, comme le reste" ?
Vous savez, j'ai pas trop envie de discuter sur les dires d'un mec qui a sûrement pas un site officiel plein de jeux à la con. En tout cas, je préfère affirmer à l'instar du grand Charles Trenet, visionnaire s'il en fut : "longtemps, longtemps, longtemps après qu'Emma Daumas aura disparu, ses chansons courront encore dans les rues".

Il a dit ça ?
Parfaitement.

Il était devin ?
Non. Il était de Narbonne.

Je constate avec plaisir, Emma, qu'en fille du troisième millénaire, vous n'avez pas peur de surfez allègrement sur la modernité.
Quelque part, c'est être aussi rock and roll !

Ah bon ?
Oui. Un oeil tourné vers les racines, un autre bien ancré dans la tendance du présent et le dernier fixé sur la ligne bleue du futur.

Mais ça fait trois yeux ?
Vous croyez ?

Emma, je me suis laissé dire que vous étiez originaire de la cité des Papes. Qu'en est-il exactement ?
On vous mal informé. Je suis plutôt d'Avignon.

Là où, sur le pont, on y danse tous en rond ?
Plus maintenant.

Comment ça ?
Je sais plus pourquoi mais le pont a été coupé. Il en reste qu'un bout. S'ils font rien pour arranger ça, je suis pas près de retourner dans cette ville.

Arrêtez-moi si je me trompe, mais, Avignon, n'est-ce pas cette ville où il y a un festival célèbre ?
Oui. D'ailleurs ça s'appelle le festival d'Avignon.

Ah bon ?
C'est même pour ça qu'il a lieu à Avignon.

J'ai lu quelque part que le grand Maxime Le Forestier avait composé une chanson pour vous. Est-ce vrai ?
Oui. Ca m'a fait super plaisir qu'un monument de la chanson française tel que lui comprenne que, quelque part, je suis son égale même si j'ai pas écrit une chanson comme "Mon frère".

Et pourquoi donc ?
J'en ai déjà un et j'en vois pas l'intérêt.

Vous aimez ce que fait Maxime Le Forestier ?
Je le connais peu en fait. Mais ma grand-mère était une vraie fan. Elle chantait toujours "Entre 14 et 40 ans".

Après elle ne chantait plus ?
Si. Elle chantait "Parachutiste".

Vous avez affirmé un jour qu'il ne fallait pas vous prendre pour plus blonde que vous ne l'êtes. Est-ce à dire que les blondes sont des imbéciles ?
Pas forcément toutes. Faut pas généraliser. Je vais vous faire une confidence : j'ai même rencontré un jour une blonde intelligente.

Ah bon ?
Et puis, j'en ai marre de ces clichés usés. C'est comme si vous affirmiez que tous ceux qui sont à la starac sont des cons.

En effet. C'est peu crédible.
Je vous le fais pas dire.

Que pensez-vous du fait qu'on dise que vous êtes l'Avril Lavigne du rock français ?
Je vois pas pourquoi. Bien sûr elle est blonde et a les cheveux longs aussi mais là s'arrête la comparaison.

Comment ça ?
Primo, elle chante en anglais. Secondo, elle fait pas du rock. Tercio, elle est trop BCBG pour me ressembler.

Justement question BCBG, je me suis laissé dire que tantôt vous avez fait un doigt d'honneur à un photographe dans une boîte de nuit de l'île de beauté.
Où ça ?

En Corse.
C'est vrai. C'est quelque part l'expression, toute en spontanéité, faut bien le dire, de mon côté rebelle.

Peut-on affirmer, que vous êtes en quelque sorte, comme qui dirait, primesautière ?
A dire vrai, je ne sais pas très bien. J'aurais un dico sous la main, je pourrais vous répondre. En tout cas une chose est sûre. Emma Daumas, c'est pas forcément strass et paillettes, ça peut être aussi trash et casquette.

Emma, quelles sont vos principales influences musicales ?
Dorothée, Corbier, Christophe Rippert et Sébastien Roch.

Ah bon ?
Absolument. Ils ont tellement bercé mon enfance que j'ai dû dormir longtemps. Quand je me suis réveillée, je voulais reprendre "Sans ma barbe" qui était ma préférée mais mon directeur artistique m'a fait comprendre que, quelque part, c'était assez risqué même en tant que chanteuse de rock.

Un dernier mot, Emma, pour finir cette intéressante interview ?
Volontiers. En combien de lettres ?

Onze.
Euh... Collimateur ?

Pas mal. Merci !

Alors j'ai quitté Emma Daumas, la tête pleine de tous ces instants magiques. Le silence avait gagné la rue maintenant vide de monde. Un vent d'automne tourbillonnant emportait sur l'avenue les feuilles mortes dans la nuit froide de l'oubli, tout doucement, sans faire de bruit et il paraît même que la mer efface sur le sable les pas des amants désunis. Certain d'avoir vécu quelque chose d'important, je suis rentré chez moi tout bouleversé et un sourire béat sur les lèvres. Ma tendre épouse Jeanine, qui plantait alors devant la starac 4 en buvant de la bière et bouffant des chips, en fut toute ébaubie. Moi seul connaissait la vérité : un ange était passé et je l'avais vu !