Dream
Theater
Parasomnia
(2025)
Dream Theater est-il toujours
avec cet album ce groupe, qui
métalprogue joliment
et à l'infini, si apprécié
par des millions de mélomanes
et plutôt décrié
par une minorité béotienne
qui affirme, péremptoire
: « Dieu, que c’est
moche ! » ?
Pour
répondre à cette
question primordiale, j'aurais
pu bien sûr raconter par
le détail cet autre chef-d'oeuvre
de ce groupe et du coup me lancer
dans des écrits dithyrambiques
et justifiés, certes,
mais peu constructifs. Alors,
j'ai préféré
plutôt aller m’entretenir
avec celui qui fut et reste
le meilleur bassiste du meilleur
groupe de metal-prog du meilleur
des mondes de ces cent meilleures
dernières années
pour qu'il nous dise enfin tout
sur ce nouveau chef-d'oeuvre,
leur meilleur peut-être
?
- Alors ce disque, dites-nous
tout, John.
- Eh bien, on a tout mis. Du
coup je me demande s'il restera
encore quelque chose pour le
suivant.
- A ce point ?
- Ouais et même si on
aurait pu faire autre chose,
de la musique, par exemple,
eh bien, et aussi curieux que
cela puisse paraître,
on s'est lancé encore
et toujours dans le metal-prog.
- Ah bon ?
- Ouais et si le jazz, c'est
Ellington, on peut aussi dire
que le metal-prog, c'est Dream
Theater.
- Et les autres, ils étaient
d'accord pour faire encore du
metal-prog, je suppose.
- Bien sûr même
si on a débattu un long
moment.
- Ah oui ?
- James voulait qu'on l'entende
plus et pour cela il fallait
qu'on supprime tous les solos,
Jordan voulait acheter un mellotron
et John déclara que tout
ça lui avait donné
la dalle.
- Et Mike ?
- Il affirma être revenu
faire du Dream Theater et si
c'était pas le cas, il
repartirait aussitôt créer
un autre groupe naze de heavy-metal.
Du coup on l'a écouté
d'autant plus qu'en fait, on
ne sait rien faire d'autre.
- Euh... Parlez-nous un peu
d'eux.
- Eh bien, James continue d’essayer
d’apprendre à chanter.
- Il est pugnace.
- Je sais pas. En tout cas il
s’accroche.
- Et les autres ?
- Eh bien, John a repris une
tartine beurrée ce matin
au déjeuner, Jordan a
changé de coiffure et
Mike est revenu.
- Expliquez-nous un peu les
tenants et les aboutissants
de cet événement
étonnant.
- Le changement de coiffure
de Jordan ?
- Non, plutôt le come-back
de votre batteur... c'est quoi
son nom déjà ?
- Portnoy.
- Ah, ouais.
- C'est ce qui nous est arrivé
de mieux.
- Comment ça ?
- Vu le bruit qu'il fait, maintenant
on va moins entendre Labrie.
C'est cool.
- John, tout un chacun se questionne
aujourd'hui sur les vraies raisons
qui avaient amené la
rupture de Portnoy avec le meilleur
groupe de metal progressif du
monde.
- Du monde ?
- Enfin... d'Amérique,
du moins.
- Disons... des Etats Unis.
- John, d'aucuns affirment même
qu'il y aurait eu en ces temps
anciens comme des divergences
musicales avec Mike ce qui aurait
causé son départ
?
- En effet. Il se posait trop
de questions sur les sibyllins
desseins artistiques du groupe
et voulait même qu'on
se lance dans la musique.
- Et alors ?
- En fait il comprenait que
couic à la fulgurance
intrinsèque de notre
inaltérable créativité.
Du coup on l'avait largué
vite fait bien fait ce balourd.
Puis nous avons décidé
de continuer de faire encore
avancer le groupe sans lui sur
les autoroutes ondoyantes de
la réussite artistique
constellées d'inquiétants
traquenards qui ne sauraient
mettre un frein à notre
indéfectible enthousiasme.
- C'est beau.
- Ouais. Mais il est enfin revenu
au bercail et maintenant quand
je le croise à un concert
de Beyoncé, il ne veut
plus me donner des coups de
baguette sur la tronche comme
avant et il a enfin reconnu
qu'il avait fait preuve d'ingratitude
et qu'en fin de compte Dream
Theater était bel et
bien le meilleur groupe de metal-prog
des...
- Etats Unis ?
- Ouais, c'est ça.
- John, pensez-vous à
l’instar de Beethoven
qu’écouter de la
musique c’est comme devenir
d’un coup immortel ?
- Possible. En tout cas celle
de Dream Theater aurait tendance
à avoir l'effet contraire.
- Comment ça ?
- Eh bien, figurez-vous que
l’autre jour j’ai
prêté notre nouveau
disque à un pote suicidaire.
Il s’est jeté par
la fenêtre du onzième
étage dès le troisième
titre, la pochette à
la main. Imaginez un peu l’état
de la pochette ! Heureusement
j’en ai d’autres.
- John, encore un mot sur John
Petrucci ?
- Combien de lettres ?
- Trois.
- Bof.
- Mais en outre ?
- Il a le même prénom
que moi, c'est un bon point
pour lui.
- Et Jordan Rudess ?
- C'est un gars plein de talent.
Il tient à la fois d'Obispo
question coiffure et de Enrique
Iglesias pour l'inspiration.
- John, un mot encore sur James
Labrie ?
- J'en ai un de six lettres.
- Pas mieux.
- Glxrpz.
- Mais en outre ?
- Quand il ne chante pas, c'est
un super camarade, convivial
et déconneur aussi. Souvent
il sait nous faire marrer avec
quelques blagues de son cru.
Justement, pas plus tard qu'hier,
il nous a raconté celle
du gars qui avait trois couilles,
vous la connaissez ?
- Non. John, maintenant que
vous avez tourné la triste
page de ce bien douloureux moment
du départ de Portnoy
qui n’a pas fait vacillé
la chimérique destinée
du groupe maintenant plus serein
avec son retour, parlez-nous
un peu de vos projets, quel
est votre meilleur souvenir
?
- Une nuit, il y a une bonne
dizaine d'années, j'ai
rêvé que j'étais
le bassiste des Beatles, même
que je chantais !
- C'est sûr que c'est
un chouette souvenir mais je
parlais du groupe.
- C'est quand on a eu la bonne
idée d'enregistrer "Six
Degrees of inner flatulence".
- C'est vous qui avez eu l'idée
du titre ?
- Ouais, et ça représente
bien le contenu du disque.
- John, on dit que l'écoute
de Dream Theater ne serait pas
sans risques. J'ai même
lu dans un magazine médical
que ça ferait tomber
les cheveux, qu'en est-il exactement
?
- Perso, je suis mal placé
pour en causer. Faudrait demander
à Jordan.
- Comment le groupe envisage-t-il
l'avenir quelque part dans le
futur, juste avant ce moment
magique où Dream Theater
brillera au Panthéon
de la musique entre Tokio Hotel
et Linkin Park ?
- Nous l'envisageons avec une
sérénité
non feinte et Mike encore à
la batterie, j'espère
qu'il va pas refoutre le camp,
ce con...
- Mais en outre ?
- Eh bien, naturellement avec
un énième album
génial à venir
mais c'est un peu tôt
pour en causer.
- Il y aura des titres qui durent
des plombes, des breaks à
la pelle, des solos qui prennent
la tronche et un gars qui chante
aussi bien qu'un plantoir à
bulbe, je suppose.
- Putain, comment vous savez
ça, vous ?
- Une intuition, John.
- Vous voulez un billet d'entrée
pour notre prochain concert
?
- Euh, non, merci. C'est pas
que je veux pas mais je pars
demain à la première
heure pour très longtemps
aux îles Kerguelen.
- Dream Theater a un fan-club
là-bas, je vous donne
son adresse ?
- Non, merci John. Ce serait
bien volontiers mais je n'y
resterai pas. Dès mon
arrivée je dois aller
au large dans les mers australes
subantarctiques étudier
les éléphants
de mer. Il paraît que
leur chant rappelle un peu celui
de Labrie.
- Ah bon ?
- John, ce sera le mot de la
fin.
- Quoi ? "John" ?
- Non, "Labrie".
- C'est un peu nullo comme mot
de la fin, je trouve.