Kurt
Cobain
L'interview
Ne
reculant devant aucun sacrifice
et grâce à mon super
propulseur tempo-modulateur à
rayonnement cosmologique turbo-diesel
d'occase, je me suis projeté
dans le passé. Plus précisément
en 1992 et j'ai alors rencontré
le beau et sémillant Kurt
Cobain, ce formidable chanteur,
afin de lui poser toutes les questions
essentielles qui permettent de mieux
cerner son oeuvre unique qui fait
se pâmer d’aise tous
les durs de la feuille du monde
entier.
Salut, Kurt, ça va ?
Comme un lundi.
Pourtant, aujourd'hui c'est vendredi
!
Putain, déjà
?
Eh ouais, ça passe vite !
Quand je pense que hier
encore, c'était dimanche
!
Ah non, c'était jeudi !
Vous croyez ?
Kurt, j'ai lu dans le bouquin
Smells Like White Spirit que
votre talent s'est exprimé
très tôt. C'est vrai
ça ?
Bien sûr. D'ailleurs,
j'ai composé Smells Like
Teen Spirit à cinq heures
du mat' alors qu'à titre
de comparaison il faut savoir que
Lennon a composé Strawberry
Fields Forever qu'à
dix heures du matin.
Ne
seriez-vous pas en quelque sorte
un artiste en avance sur son temps
?
Absolument. J'en veux pour preuve
le fait que l'autre matin il était
onze heures à ma montre et
quand je suis arrivé devant
l'épicerie du coin acheter
un bocal de cornichons c'était
encore fermé !
Kurt,
dites-nous toute la vérité
: pourquoi avoir appelé votre
groupe Nirvana ? Je ne
vois pas trop. Vous auriez pris
Limp Bizkit ou Noise
In The Esgourdes, d’accord,
mais là, franchement, je
ne saisis pas...
Quand on a commencé à
chercher un nom pour le groupe,
il nous est venu The Rolling
Stones et U2 qui n'étaient
pas mal. Mais bon, le premier était
trop long et le second trop court.
Et puis, ça ne faisait pas
assez grunge. Et comme on ne trouvait
rien d'autre on a décidé
d'acheter un dico et de prendre
un nom à la première
page qu'on ouvrirait.
Et alors ?
Alors, trois mots nous ont interpellés
: niguedouille, nirvana
et nitroglycérine.
Moi, j'aime bien le dernier, c'est
assez grunge, je trouve.
Oui mais un peu trop long.
Le premier aussi d'ailleurs et faisait
trop déconne. Alors on a
opté pour Nirvana.
C’est quoi le grunge,
Kurt ?
C’est pas fastoche à
cerner. C’est un truc très
inspiré de la musique baroque
avec un rien de chants grégoriens...
Ah bon ?
Non, je déconne. En fait
c'est un compromis entre le hard-rock
et le punk mais sans la crinière
à la con du premier et sans
l’épingle à
nourrice du second qui fait super
mal, le tout en gueulant autant
parce qu'en fait on souffre, perdus
dans un monde hostile, sans repères,
repliés sur nous-mêmes,
hurlant une rage désespérée
et des super textes...
C'est pas facile d'être
grunge, non ?
Bien sûr. Et en plus, étant
donné qu’on fait un
max de boucan et comme je fais rien
qu’à hurler, du coup,
on comprend que dalle aux paroles
vu que j’arrive pas à
articuler et m’exciter en
même temps sur ma gratte.
C’est un peu dommage...
En
effet... Kurt, le grunge ne serait-il
pas finalement quelque part l'expression
tangible d'un mal-être comme
qui dirait existentiel ?
Ah ouais quelque part. Le grunge
c’est un truc où on
est hyper malheureux et du coup
on tape comme des dingues, avec
en plus des solos au rabais et des
guitares saturées parce qu’en
fait on n'a pas eu le temps d’apprendre
à jouer.
A propos de l'album Nevermind,
pourquoi l'avoir nommé ainsi
?
En fait je voulais mettre Never
mind the bollocks here the sex pistols
en hommage aux petits excités
qui se baladaient dans le temps
avec leur coupe de cheveux fendarde
mais les autres gus de Nirvana (il
faut bien qu’ils servent à
quelque chose) m’ont fait
savoir que ça faisait un
peu trop long, du coup, j’ai
raccourci en "Nevermind".
C’est court, ça pête,
ça parle, ça booste,
ça cogne, c’est grunge.
Kurt, expliquez–nous
la pochette, voulez-vous ?
C’est une métaphore.
Dès que tu viens au monde
on te balance dans le grand bain
où tu vas nager ta vie durant
après le pognon. Et si tu
fais du grunge, tu en gagneras un
max.
Soyez franc, Kurt : votre
première motivation est l'argent,
n'est-ce pas ?
Pas du tout ! Et en fait je m'y
intéresse peu car aussi curieux
que cela puisse paraître,
je suis avant tout un créateur,
cet être faible et meurtri...
Et rebelle aussi, non ?
Oui bien sûr, toujours en
quête de la muse cette source
d'inspiration capricieuse et en
perpétuel conflit entre la
postérité que tout
artiste recherche inconsciemment
et la thune, oh combien méprisable
certes, mais nécessaire quand
même, vous savez combien ça
coûte une vidange ?
Euh, non, j'ai pas de voiture,
je ne me déplace qu'en vélo.
Vous faites bien et si tout le monde
agissait de la même façon
c'est sûr que la Terre ne
serait peut-être pas en péril.
D'ailleurs c'est ce que je dis en
filigrane dans 'Smells like teen
spirit".
Ca vous fait quoi de savoir
que Nevermind est le disque
le plus populaire de l'année
?
Pas grand chose vu toutes les conneries
qui sont sorties en même temps.
Un rock-critic dur d'oreille
aurait affirmé qu'écouter
votre groupe Nirvana c'est comme
se parfumer les pavillons. Vous
en pensez quoi ?
Personnellement je dirai plutôt
que c'est s'enfoncer de l'acné
dans les oreilles.
Kurt, d'aucuns affirment
que Nirvana est l'avenir du rock.
Ca vous inspire quoi comme pensée
profonde, là, tout de suite,
maintenant, tout de go ?
Toudego ?
Oui.
Eh bien, comme on ne peut
pas savoir de quoi demain sera fait,
je serai pas loin de penser que
le présent est l'enclume
où se fait l'avenir comme
disait si justement Victor.
Paul-Emile
?
Non, l'autre, le barbu
qui a écrit Le père
Goriot.
Kurt, vous arrive-t-il d'improviser
avec vos potes de Nirvana ?
Ah oui, souvent. D'ailleurs
récemment on a improvisé
un plateau-télé.
C'était quoi ?
Des sandwichs de vers de terre au
ketchup tout en regardant Questions
pour un champion. Mais bon,
j'ai perdu. j'ai calé sur
une question pas fastoche.
Ah
oui ? Laquelle ?
Eh bien, il fallait dire où
se trouve la muraille de Chine.
Et
alors ?
J'ai répondu : "au Japon".
Vous
n'étiez pas loin.
C'est à côté
?
Kurt, quel est
le message que vous avez voulu faire
passer dans la chanson In bloom
?
C'est un message des plus
simples, quelque part entre Husserl
et Merleau-Ponty, entre l'être
et le néant, entre la poire
et le fromage, entre Simon et Garfunkel.
Vous arrive-t-il, Kurt, comme vous
l'affirmez dans Something in
the way de vous nourrir encore
des gouttes d'eau qui tombent du
plafond sous les ponts ?
Oui, toujours. L'eau du
robinet c'est hyper dégueulasse.
Kurt, je trouve votre chanson Come
Together particulièrement
bien réussie !
Vous voulez sûrement
dire Come as you are. J'avoue
que pendant l'enregistrement on
s'est bien marré. A un moment
je ne suis pris les pieds dans les
fils électriques et je suis
tombé tête première
sur la pizza qu'on devait se bouffer
à la fin de la prise.
J'ai
lu sur Sonotone.com que
le grunge a été inventé
le soir du 29 février 1988.
Même qu'il s'est mis à
pleuvoir des crapauds, ce soir-là...
C'est vous qui l'avez inventé
?
J'aurais bien aimé
mais ce soir-là j'ai pas
pu, j'avais mon cours de solfège.
Dommage mais quand même vous
n'êtes pas loin d'être
l'icône du grunge.
C'est vrai. Même
que parfois je trouve que je suis
un peu icône sur les bords.
Vous auriez un
dernier mot pour conclure, Kurt
?
Masculin ou féminin ?
Féminin.
Euh... daube ?
Merci,
Kurt.
Alors,
j’ai remis tristement en marche
mon super propulseur tempo-modulateur
à rayonnement cosmologique
turbo-diesel d'occase et je me suis
téléporté en
2025 dans un monde angoissant fait
de misère, de maladies, de
guerres et en malus on trouve encore
des cds de Nirvana en solde au vide-grenier
du coin.
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