"XI" est un disque étonnant.
La preuve ? Bien qu’il soit
d’un âge canonique,
je l’ai écouté
pas plus tard que tout à
l’heure.
Figure-toi que les gars dont je
ne sais pas s’ils furent
tous de Chicago cherchaient alors
à faire encore un autre
bon disque, très motivés
à continuer de par la qualité
de leurs précédents
opus. Et pour corser le tout et
être sûrs de demeurer
dans l’excellence, ils restèrent
les mêmes en vertu du principe
qu’on ne change pas une
équipe qui gagne.
J’ignore dans quel studio
ils ont enregistré cet
album, mais après l’avoir
écouté on n’a
pas forcément envie d’aller
y faire un tour. Même qu’à
côté, celui où
enregistre Kagagne Bretzel, le
groupe de death metal de mon beauf,
c’est Abbey Road.
Donc,
dans ce lieu hostile, des gars,
ils sont sept, s’entraident
pour réussir le chef-d’œuvre
ultime. Ca discute, ça
invente, ça débat,
ça propose, ça échange
:
-
J’ai une super idée
pour le titre : après "X",
pourquoi pas "XI" ?
- Tiens, j’y avais pas pensé
!
- C’est où les chiottes
?
- Au fond du couloir y’a
bien une porte, mais, c’est
peut-être pas là.
- Bon, les gars je vous laisse,
je suis garé en double
file.
- Ah, non, tu vas pas nous laisser
tomber !
D’un titre à l’autre,
ça innove, ça étonne,
ça ravit, ça transporte,
ça inquiète même.
Régulièrement des
passages à forte qualité
musicale viennent un peu freiner
l’enthousiasme délirant
de l’auditeur mélomane
(trois trucs à défaillir,
deux à mourir) de cet album
devenu culte.
Mais, le moment le plus génial
de ce "XI", c’est
quand le dernier titre s’arrête
et que chacun rentre ravi à
la maison. L’un dit : «
je crois bien que je vais aller
m’acheter une pizza en passant
», l’autre : «
ce soir y’a Starsky et Hutch
à la téloche »,
un autre encore : « n’oublie
pas d’éteindre la
lumière en partant ».
À part ça, on voyage
beaucoup dans ce "XI".
Tiens, de la guimauve. Super,
ces cuivres. Géniales,
ces voix. Oh, la belle pochette.
Tiens, mon pote qui écoutait
le disque avec moi s’est
barré. Je sens que la même
envie me gagne à mon tour
mais je me dois de tenir encore
un peu pour en témoigner
par écrit.
Heureusement tout s’achève
enfin, après une ultime
performance où les gars
s’étouffent dans
leurs cuivres comme possédés
par les voix gluantes d’un
diabolique combo de variétoche
amerloc des seventies.
Musicalement, le disque évoque
tour à tour le meilleur
des Bee Gees période disco
et le best of d’Abba toutes
époques, en moins expérimental.
Et Kurt Cobain aurait pu faire
mieux même après
sa mort.