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Brian Molko
L'interview


Ne reculant devant aucun sacrifice, j’ai rencontré le beau et sémillant Brian Molko dans un resto pas loin de chez moi. ll était déjà là quand je suis arrivé. Il avait une sacrée descente le Molko. Il se battait avec une volumineuse choucroute. Il m’a tendu ses mains pleines de saucisses pour me serrer contre lui en guise de convivialité. Après avoir tenté d’essuyer deux ou trois taches sur mon tee-shirt, j'ai commencé alors à lui poser toutes les bonnes questions que j'avais passé la semaine à préparer.

Brian, c’est la super consécration pour toi et ton groupe... euh... comment il s'appelle déjà ?
Placebo, bien sûr ! Tout le monde sait ça ! Putain, d'où tu sors, toi ?

Tu as déjà vendu 53 albums et...
T’as acheté le dernier qui s'appelle Shit On The Dancefloor ?

Non... C'est à dire que je suis pour la paix dans le monde et la sauvegarde de la Nature, donc tu comprends bien que...
Tu vas l'acheter où je te fous un coup de saucisse sur la tronche ?

Oui. Oui. Dès que je passe devant Monoprix, je m'arrête.
T'as intérêt.

Brian, ton talent indéniable a longtemps fait rêver des quantités pas possibles de mélomanes avisés.
T'es sûr ?

Pas vraiment. Je crois plutôt que c'était une poignée de fans de rock.
Ah bon ?

Non. En fait, je me souviens : c'était deux connes de la 3° C du collège Didier Barbelivien de Gustave-sur-Yvette.
Oui, mais il est bon de savoir que sans mes potes de Placebo, je suis rien. Avec eux, c’est l'entente parfaite. Ils me demandent de m’arrêter, je continue de couiner. Le soir, quand nous répétons dans mon garage, l’instincteur se décroche tout seul du mur et les outils de jardinage se mettent à voler à travers la pièce. Ca devient hyper dangereux. En plus, récemment, en juin nous avons donné un concert au Maroc, il s'est mis à neiger avec de la tramontane partout et tout plein de mistral aussi. Y'avait même un ferry qui volait : on a failli se le prendre sur la gueule.

C'est peut-être dû au dérèglement du climat ?
Pas du tout. D'ailleurs, l'autre jour on a donné un concert sympa au bord du lac de Bourget...

Celui de Lamartine ?
Je ne saurais te le dire. Car en fait je connais aucune Martine.

En tout cas, moi, je trouve ça très romantique.
Oui, et le cadre allait super bien avec notre musique. Même qu'avant le concert, nous voguions en silence ; on n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence les flots harmonieux...

C'est beau.
Oui, c'est sûr. Mais, je sais pas pourquoi, figure-toi que, dès la troisième chanson du concert, des accents inconnus à la terre du rivage assoupi affolèrent la sono ; et une vague énorme portée par un vrai tonnerre faillit nous engloutir.

Pas possible ?
Parfaitement. Il y a eu comme un tsunami qui a fait fuir tout le monde.

Les habitants du village où tu répètes avec tes potes dans la charmante campagne anglaise verdoyante disent qu'autour de chez vous dans les prés les vaches ne font plus de lait et que les renards se suicident en faisant exprès d'attraper la rage...
Ha ! ha ! C'est vrai.

(Il rit la gueule grande ouverte, je profite pour y fourguer mes bouts de lard fumé dedans. Je déteste le lard.)

As-tu d’autres anecdotes aussi piquantes à toi et ton groupe que tu as vécues dans ta vie tumultueuse à toi que tu as ?
Oh, tout plein. Un jour, avec mes potes de Placebo...

Qui ça ?
Mon groupe ! Putain, il est con, lui !

Et... vous faisiez quoi ?
On a voulu jouer du rock dans notre salle de répet’, ça a fini aux urgences. Triple coup de boules, a dit l’interne de service.

Brian, il paraît que t'as fait un procès à un journal qui t'avait pris en photo en train de pousser gentiment le landau de ton fils avec à tes côtés ta compagne. Pourquoi ? Moi, je trouve ça plutôt sympa !
Sympa ? Non, mais, ça va pas la tête ? Si les fans apprennent que le truc du rebelle, marginal, provoc et androgyne comme qui dirait sulfureux, c'est du pipeau, je serai plus rien et mon groupe encore moins.

Oui, mais il restera la musique ?
Quoi, quelle musique ?

Ben, celle de ton groupe... Comme il s'appelle déjà ?
Placebo ?

Oui, c'est ça.
Putain, ce sera pas gagné alors... Tiens, du coup je me finis les saucisses pour me remettre.

On dit que toi et ton groupe vous avez été contactés par une grande marque d'ascenseurs pour soigner les claustrophobes qui restent longtemps dans ces boîtes infernales pour aller au trentième étage, c'est vrai ?
Au contraire. C'est hyper sérieux. Mais lors des essais les câbles ont craqué quand je me suis mis à chanter.

C'est dommage.
Oui, surtout pour les claustrophobes.

Brian, plein de lecteurs aimeraient bien savoir où tu as acheté le landau de ton enfant ?
Franchement, t'as pas moins con comme question ?

Bien sûr. Penses-tu que s'il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition ?
Facile. Je l'ai eu à prix réduit à Intermarché. J'avais la carte de fidélité, ça aide.

Brian, quel est le parcours qui t'a mené à un tel degré de nulli... euh... de génie ?
Eh bien, il faut savoir qu'il y a une file d'attente monstrueuse pour être le meilleur groupe du monde. Ca se bouscule méchamment au portillon. C'est un truc de très longue haleine. Ca se prépare de façon très pro. On va dans des centres de formation. On est nourri au grain.

Ca doit être hyper dur.
Oui et après faut se peindre la gueule, faire le con dans plein de clips, sortir quelques albums puis atterrir même dans des trous perdus comme la France pour se bafrer de choucroute. Et finalement, si on y réfléchit bien, (Brian avale alors une autre saucisse) il ne me reste plus guère de temps pour apprendre à chanter.

Peu importe, Brian, car, la musique n'est-elle pas l’art du silence, comme disait le mime Marceau ?
Hein ? K'es tu dis ?

On entend parfois dire des trucs super très méchants sur toi. Comme quoi, quand t'es grimé sur scène, certains trouvent que tu ressembles au fils que Lou Reed aurait eu avec une Logan.
C'est pas sympa pour Lou Reed.

Oui, mais la Logan, elle a un super chassis, c'est mon beau-frère Gérard qui me l'a dit.
A dire vrai, je sais pas qui c'est.

Mon beau-frère ?
Non, la Logan... C'est une chanteuse de R'n'B ?

Pas du tout, c'est une bagnole.
Ah bon ?

J'ai lu aussi quelque part que votre truc à toi et tes potes, c'est de la hyper grosse daube.
C'est normal.

?!?
Bien sûr. Ca vient sans aucun doute de mecs mélomanes avertis qui n'ont pas des goûts de chiottes mais les fans sont là, je les adore, ils acceptent même tellement de choses que parfois je me pose des questions mais y'a plus de posters en stock. Alors hein, bon.

Brian, quelle est ta devise à toi que tu préfères de toi ?
"Ad gloriam, ad pognum".

Ca veut dire quoi ?
"Pour la gloire et surtout pour le pognon". C'est du gaélique.

Merci Brian. Je te demanderais bien d'en pousser une dans le micro, mais mon matos est plutôt fragile. Tu as des souhaits particuliers pour les mois à venir ?
De la choucroute avec plein de gros morceaux de Placebo dedans. Et du blé aussi, c'est pas à négliger.

Brian, le mot de la fin, s'il te plaît ?
Choucroute.

Alors, repu, j’ai quitté Brian. Dehors, plein de fans arrivaient en hurlant : "Brian, Brian !", d'autres : "Une chanson ! Une chanson !", un quidam qui passait par hasard : "Oh non ! pas ça ! plutôt crever !". Brian, star humble s'il en est, s’empressa de les satisfaire. Puis, comme je m'éloignai, je ne fus pas réellement surpris de voir plein de gosses me dépasser en courant comme des fous, les bras au ciel et poussant des cris d'effroi. Je crois même qu'une colonie de rats fusa entre mes pieds, chicotant à qui mieux mieux. Je me demandai alors pourquoi diable Brian et ses deux compères avaient bien pu prendre le nom de leur groupe ?