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Camille et Lucile...

Christophe Bigot
L'archange Et Le Procureur (2008)



Pourquoi Camille Desmoulins? :

Oui, pourquoi ?

Pour tout vous avouer, l'origine de ma Desmoulitude est parfaitement obscure. Il me semble bien que cela remonte au primaire, sans doute à l'année 1989 (qui me semble propice) et donc à mon instituteur de CM2, en l'occurrence mon propre père. A cette époque, je pensais que les Tuileries étaient un toit avec des tuiles. Sans déconner. Pour la prise des Tuileries, j'imaginais des sans-culottes sur le toit d'une maison. Quant à Camille Desmoulins, j'oserais dire que seul son nom m'a marqué. Sans doute était-ce une question de son ou de résonnance. Camille Desmoulins est avant tout un nom agréable à l'oreille. Et puis un jour de très grand ennui, dans le cinquième, il faisait lourd, je rêvassais en regardant le Panthéon et j'ai appris que Camille Desmoulins avait... une femme.

Ce qui m'intéresse dans l'Histoire, outre ce qui est historique, c'est ce qui ne l'est pas (superbe phrase). Camille et Lucile ont eu une vie non historique - comme d'autres - buvaient des cafés et allaient se marrer chez Danton au bout de la rue. J'aime ce que j'ai en commun avec eux. Moi aussi - comme eux - je traîne dans le cinquième (sans y habiter, cela dit). Moi aussi - comme Camille - j'écris des saloperies sur les gens et je suis surpris qu'ils ne m'aiment pas. Moi aussi - comme Camille - je suis persuadé que j'aurai le soutien du peuple si on m'envoyait à la guillotine. Moi aussi - comme Camille - je me ferais cracher dessus et j'y laisserais ma tête en pleurant.

Et puis ce qui fait aussi l'intérêt du couple Desmoulins, c'est son clan. Combien de grands noms de l'histoire trainent derrière eux une bande de potes comme Guillaume et Angélique Brune, Louise-Félicité Robert, Gabrielle et Georges Danton ou le fameux Jeff La Poype ?

Exemple :

Le samedi 16 juillet 1791, sur le coup de minuit, Guillaume Brune sort du club des Jacobins. Il a trop chaud. Il rencontre alors successivement Georges Danton, Camille Desmoulins et Jean-François La Poype. Tous les quatre traversent la Seine, descendent la rue du même nom et trouvent une patrouille au croisement de la rue de Bussi. Ils s'engagent ensuite dans la rue des Cordeliers et montent chez Danton pour passer le bonjour à Gabrielle, sa femme. Ils y restent une demi-heure, trois quart d'heures, et discutent d'un projet de pétition afin de se rassembler sur le Champ de Mars. Puis Guillaume Brune sort et se rend dans la cour de Commerce pour voir les ouvriers de son imprimerie. Ensuite il rebrousse chemin et s'en retourne chez lui, rue du Théâtre français, où il croise à nouveau une patrouille.

Cette anecdote parfaitement véridique (racontée par Brune à la conciergerie le vendredi 12 août 1791) et parfaitement sans intérêt, je l'aime beaucoup. Des mecs qui ont eu un rôle essentiel dans l'histoire de France se promenaient dans Paris au milieu de la nuit et s'en allaient taper la bise à Gabrielle avant de discuter. Comme nous ! Evidemment nous pouvons supposer l'anecdote chez tous les personnages historiques mais pour Desmoulins on ne suppose pas, on le sait.

Introduction :

Une connaissance à qui ne j'avais pas parlé depuis des mois (et des mois) m'a envoyé un mail pour me soumettre "L'archange et le procureur". Non pas que le bouquin soit bon (elle ne l'avait pas lu) mais elle connaissait mon penchant pour le couple Desmoulins et la Révolution. Je lui avais alors répondu que je n'aimais pas forcément les romans historiques qui n'étaient bien souvent qu'un concours de pédanterie moyennement intéressant qui consistait à étaler son savoir de l'époque sans se soucier du reste.

Seulement, mon intérêt pour Camille et Lucile Desmoulins est tel qu'il ne fallût qu'attendre l'instant opportun pour que je finisse par lire ce roman ; et comme je l'avais plus ou moins supposé, ça n'en valait pas la peine.

Rien de révolutionnaire :

Le problème majeur de Christophe Bigot - qui a une jolie plume ; sans génie, certes, mais jolie - est son angle d'attaque. Il prend le parti de raconter l'histoire des Desmoulins depuis l'extérieur (en l'occurrence à travers les yeux de la mère de Lucile). Celle-ci ne peut donc que supposer les pensées des protagonistes et ne peut parler que de ce qu'elle a vu. Seule Anne Duplessis, narratrice, se dévoile donc un peu et elle s'avère être une voyante hors pair. Dès qu'elle rencontre quelqu'un, elle comprend qui il est vraiment, comme si elle avait potassé tout Michelet. En même temps, me direz-vous, il n'était pas bien difficile de percer à jour les révolutionnaires puisqu'ils étaient tous pourris à plus ou moins grande échelle.

En somme, Christophe Bigot prend le parti d'écrire un livre d'histoire... (il va même jusqu'à donner à Lucile des paroles qui sont prises dans son journal, enfin, diable !) Il accumule donc les événements historiques ultra connus - pour qui s'est penché sur la période - et les fignole de quelques dialogues et situations inventées. J'ai l'impression d'avoir lu une chronologie incomplète commentée par un personnage agaçant - la mère de Lucile - qui comprend tout et a peur de tout. Quant aux portraits des révolutionnaires - pas énormément au final - ils sont à peu près ainsi : Très beaux ou très laids et super méchants. Danton est vu d'un mauvais oeil, Robespierre est vu d'un mauvais oeil, Saint-Just est vu d'un mauvais oeil, Fouquier-Tinville est vu d'un mauvais oeil et si Camille et Lucile s'avèrent de braves bougres, ils sont rapidement vus d'un mauvais oeil.

Pourquoi cette vision sordide ? Pour moi la Révolution est une période joyeuse et pleine d'entrain. On s'y amusait beaucoup. Evidemment tout n'était que trahisons et décapitations mais était-ce une raison pour être malheureux ?

Une révolution de pédés :

Moi, ce que j'en dis, c'est que si Christophe Bigot venait à me lire, il voudrait ma mort. Eh oui mais bon, je ne peux quand même pas vous proposer des critiques consensuelles. On n'est pas sur internet, ici ! Et puis j'ai dit qu'il avait une jolie plume. C'est quand même un beau compliment, non ?

Moi, ce que j'en dis, c'est qu'une fiction implique l'invention. Il aurait sans doute été plus pertinent de traiter l'inconnu que de sauter systématiquement d'événement historique en événement historique. La prise des Tuileries et les massacres de septembre, nous le savons déjà. Mais tout ce qui s'est déroulé entre ces deux événements nous est inconnu, surtout dans les détails inutiles, dans les soirées au Procope, chez les Danton, dans le cour de commerce, etc. Ainsi Bigot frôle l'intérêt lorsqu'il traite de la venue des marseillais chez Lucile et Camille. Mais l'épisode ne dépasse pas les 40 lignes et il n'y a pas de bonnes blagues à deux balles de gars du sud. Tout juste de l'oeil aux petites et de l'accent qui chante.

Bref, le roman est extrêmement frileux et même les légers sous-entendus concernant Camille et Max Robespierre avec des hommes torse nu demeurent légers. Si Bigot veut en faire des invertis, eh bien qu'il en fasse donc ouvertement des invertis ! Imaginez :

Maximilien de Robespierre
et
Camille Desmoulins
dans

LES REVOLUTIONNAIRES SODOMITES

On apprendrait ainsi que toutes les grandes figures de la Révolution étaient des homosexuels. Au moins ce serait rigolo plutôt qu'un roman dans lequel aucun choix n'est fait si ce n'est celui d'aborder la Terreur avec des a priori gauchistes (et féminins) du XXIe siècle.

Conclusion :

L'inconvénient, c'est que j'ai acheté "L'archange et le procureur". A moitié prix, certes, mais acheté tout de même. L'avantage, c'est que le roman de Camille et Lucile n'a toujours pas été écrit.