Honoré De Balzac
Eugénie Grandet (1833)
Je ne sais pas si cela vous arrive
mais je suis habitué à
ce que quelqu'un me dise : "Tiens,
hier, j'ai pensé à
toi". Ce n'est pas dû
à un amour ou un attachement
intense imputable à mes
attributs physiques confinant
au sublime, mais parce qu'il faut
croire que je suis quelqu'un qui
a une personnalité et une
façon d'être qui
ne recoupe qu'avec la personnalité
et la façon d'être
d'une minorité. Ainsi certains
événements et certaines
idées ne font penser qu'à
moi. Le personnage de tel film
ou de telle nouvelle leur fait
penser à moi, en lisant
tel roman, ils pensent à
moi. Il faut donc savoir qu'on
pense à moi en lisant Carlos
Fuentes, Proust, Mérimée,
et - j'y viens - Balzac.
Tu devrais lire "Illusions
perdues", m'a-t-elle dit,
un personnage m'a fait penser
à toi. C'était il
y a cinq mois. Me souvenant de
cette anecdote, je suis allé
à la bibliothèque
et j'ai pris... "Eugénie
Grandet". Je ne saurais pas
réellement vous expliquer
la raison de mon erreur. J'avais
oublié le nom de celui
que je devais prendre et en lisant
tous les titres de la "Comédie
humaine", c'est "Eugénie
Grandet" qui m'a semblé
être le bon. Seulement,
dans "Eugénie Grandet",
je ne me suis pas trouvé
du tout.
"Eugénie Grandet"
est une histoire pour jeunes filles,
comme "La princesse de Clèves".
Je me plais à le dire aux
jeunes filles qui s'en offusquent
aussitôt. Elles s'empressent
même d'ajouter qu'elles
connaissent des hommes qui ont
aimé, "mais il s'agissait
d'hommes intelligents". Ah
les petites effrontées
! Dans "Eugénie Grandet",
il y a peu. Après le suicide
de son père, un jeune dandy
(un mirliflor, comme on dit) descend
de Paris pour s'installer chez
son oncle avare. Ce dernier a
une fille nommée Eugénie
qui est toute simple et toute
gentille. Elle tombe amoureuse
du cousin qui l'aime en retour
et, partant refaire fortune aux
Indes, lui promet le mariage.
Rien de romanesque dans les évènements
(il y a très peu d'évènements)
mais juste la thématique
de l'amour véritable, celui
qui dure dix ans sans même
deux lettres échangées.
"Eugénie Grandet"
est une illustration de ce que
j'appelle pompeusement "le
couple de l'âme". Puis
il y a le dénouement que
je tais. Sait-on jamais, vous
lirez peut-être ce roman
un jour.
Du coup je suis un peu resté
sur ma faim car l'identification,
vous le savez, joue beaucoup dans
l'intérêt que je
donne aux choses. Et je ne me
suis retrouvé ni dans le
vieux grigou, ni dans la jeune
amoureuse, ni dans le cousin maniéré.
Il ne me reste qu'à lire
"Illusions perdues"
dont le titre, ma foi, est pile
dans mes cordes.
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LA
CHRONiQUE D'UN AUTRE BOUQUiN
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Regain
Jean
Giono
...
A goûter
goulûment
! ...
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