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Salvatore Adamo
L'interview



Ne reculant devant aucun sacrifice, j'ai rencontré le beau et sémillant Adamo dans un studio de la télévision française où il venait préparer une de ces belles émissions de variété dont le service public a le secret. Dans un coin, loin du tumulte du plateau, il buvait un café, assis à côté du fringant Michel Drucker, le sympathique présentateur vedette de France Télévision, papy préféré des ménagères de plus de cinquante ans.

 

Alors, mon cher Adamo, à ce qui paraît, vous êtes belge ?
C'est vrai. Faut dire qu'au départ, contrairement à ce qu'on peut croire, c'est pas un handicap.

Ah bon ?
Parfaitement. En Belgique, on parle aussi français, vous savez, même si c'est avec une légère pointe d'accent.

Ca n'a pas été dur de s'en débarrasser ?
J'ai beaucoup travaillé la diction. En plus comme j'avais un léger accent sicilien, ça a été un peu long. Fallait en plus perdre l'habitude de parler avec les mains. Mais maintenant ça va. D'ailleurs il y a plein d'artistes belges qui ont fait carrière en France.

Ah oui, lesquels ?
Frédéric François, Annie Cordy, Van Halen...

Vous êtes sûr pour le dernier ?
Naturellement !

Adamo, c'est votre prénom ?
Non. C'est mon nom.

Ah bon ?
Oui. En fait, pour être franc, je m'appelle Salvatore Adamo. J'aurais pu prendre Salvatore comme nom d'artiste mais ça faisait trop rital. Et à l'époque fallait sonner amerloc.

Et alors ?
J'avais pensé à Frank Adamo mais il y avait déjà à l'époque où j'ai débuté un chanteur qui s'appelait Frank Alamo. Donc, j'ai gardé uniquement Adamo.

Vous avez bien fait... Comment se fait-il qu'on vous voit toujours à la télé chantant les mêmes sempiternelles chansons de vos débuts ?
C'est simple. C'est parce que le samedi soir, le public est en majorité composé de ménagères de plus de 60 ans, les mêmes qui m'écoutaient il y a quarante ans. Elles veulent toujours les mêmes titres parce qu'elles ont la nostalgie de leur jeunesse et surtout parce que mes chansons sont de qualité.

Mais, vous n'avez pas essayé de proposer autre chose ?
Oui bien sûr. J'enregistre des cds tous les ans. Récemment, j'ai même fait une nouvelle version de Tombe la neige avec de nouvelles paroles.

Comment ça s'appelle ?
Re-tombe la neige. Avec une production heavy sur une rythmique metal pour essayer d'élargir mon public : longues nappes de synthés, batterie hyper-plombée et aussi guitares saturées. C'était une vraie tuerie. J'ai même été accompagné par un groupe de black-metal nommé Cannibal Corpse. Ca déchirait grave. On a même fait le mixage à Abbey Road à Londres. C'est vous dire !

Et alors ?
Ca n'a pas vraiment marché.

A cause du nouveau son ?
Non. Plutôt parce que ma maison de disque a sorti le cd en plein mois de décembre, alors qu'on se gelait les coucougnettes, une fois. Les cons !

Vous chanterez quoi dans cette émission de télé ?
Un pot assez pourri de tous mes succès. Et aussi, j'oserai, une fois n'est pas coutume, une nouveauté au texte écolo : Les galettes du bord de mer. Faut savoir aussi prendre des risques ! Michel m'a assuré qu'on va faire un bon audimat.

Je n'en doute pas.
Je vous montre un petit aperçu a capella ?

Si vous voulez.

Z'étaient pas chouettes les galettes du bord de mer
Z'étaient pas chouettes pour qui voulait s'en défaire...

C'est fort. On sent que ce sujet vous interpelle au niveau de votre vécu. Vous semblez être assez sensibilisé au problème des rejets de pétrole.
En effet. On a beau être chanteur de variété, on en est pas moins homme. J'avoue que quelque part toute cette pollution me rend malade. Depuis, je me suis profondément engagé...

Comment ça ?
Pour marquer le coup, je roule plus qu'à vélo.

Euh... Ce n'est pas trop dur à votre âge ?
Non. Et puis la Belgique, c'est tout plat. Pas de problèmes.

Et pour venir à la télé française ?
Je prends l'avion, bien sûr ! Faut quand même pas déconner.

Dites-moi, mon cher Salvatore... je peux vous appeler Salvatore ?
Oui. Je crois que quelque part c'est mon prénom.

Quel regard portez-vous sur la scène française actuelle, Salvatore ?
Un regard très attentif. J'aime bien notamment les dernières chansons de Polnareff.

Ah bon ?
Oui. Lucie par exemple, c'est fort. Je regrette simplement qu'il se soit rasé le crâne. Je le préférais avec ses cheveux frisés.

Que pensez-vous des émissions de télé du style Star academy ?
J'avoue ne pas comprendre pourquoi on m'y invite pas.

En effet, c'est étonnant.
D'autant plus qu'on fait venir des étrangers qui chantent même pas en Français. Moi au moins, je fais l'effort depuis cinquante ans.

Le grand Brel, homme d'outre-Quiévrain comme vous, écrivait à votre propos, je cite : "Tendre Salvatore, tu es un jardinier". Qu'en pensez-vous ?
D'abord faut savoir que Brel est belge avant d'être d'outre-Quiévrain. Après je vois pas pourquoi sous prétexte qu'il est du même pays que moi, il peut me tutoyer. Ensuite, j'ai pas peur de dire que même s'il a fait quelques belles chansons, il y comprenait rien question jardinage.

Ah bon ?
Parfaitement. C'est quand même lui qui a écrit ces vers : "Mon ami est un vrai poète dans son jardin, quand vient l'été faut le voir planter ses mitraillettes ou bien creuser ses petites tranchées."

Et alors ?
D'abord l'été, on plante plus dans un jardin et si tu fais des tranchées, tu peux plus rien faire pousser.

En effet.
Personnellement au lieu d'affirmer que je suis un jardinier, je préfère dire comme le vendeur de Bricomarché : il faut cultiver son jardin.

Belle pensée s'il en est.
Je veux oui. Faut quand même savoir que si tu cultives pas ton jardin, il est vite envahi. Après c'est un sacré boulot pour enlever toutes ces putains de mauvaises herbes.

Il paraît, Salvatore, que vous êtes très populaire au pays du soleil levant.
Où ça ?

Au Japon.
En effet. Y'a là-bas une forte tradition Adamo.

Comment ça ?
Eh bien, figurez-vous que les samouraïs avant de se faire hara-kiri chantaient toujours Le barbe sans barbe.

Ah bon ?
Absolument. Mettre fin à ses jours en chantant une de mes chansons leur donnait quelque part le courage d'en finir au plus vite. Pas besoin de s'envoyer du saké.

En effet.
Et de plus, c'est une sacrée belle façon de mourir, n'est-ce pas ?

Salvatore, une dernière question pour terminer : quels sont vos projets après cette émission de télé ?
Je vais pas tarder à sortir une nouvelle compil de mes plus grands succès.

Avec Le barbu sans barbe ?
Pour sûr ! Puis je chanterai chez Sevran et surtout je vais faire une émission en prime-time sur M6 appelée Les 50 meilleures chansons d'il y a 50 ans pour les plus de 50 ans présentée par Laurent Boyer, un mec qui a plus de, euh... 50 ans.

Beau programme, ma foi... Bonne chance donc pour les cinquante prochaines années de la suite de votre carrière.
Merci. Merci, beaucoup !

 

Alors j'ai quitté Salvatore Adamo comme à regret pendant que dehors tombait la neige, tout était blanc de désespoir, triste certitude, le froid et l'absence, cet odieux silence, blanche solitude. Remontant le col de mon anorak, j'ai pensé alors : "c'est con la neige !"