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Jimmy Page
L'interview



Ne reculant devant aucun sacrifice, j'ai rencontré le beau et sémillant Jimmy Page dans les âpres et mystérieuses Highlands où il vient de temps en temps se ressourcer dans sa vieille demeure. Après trois heures de route depuis Glasgow, dans un vallon entouré de collines couvertes de bruyères, un car me laissa au milieu de nulle part près d'un bois sombre de sapins à deux pas d'une rivière limpide. Au loin, un loup hurlait dans la solitude. La pluie tombait, violente et glacée. Je commençais à être trempé. J'étais alors sur les bords du fameux Loch Ness. A deux pas, sur une butte surplombant le lac, lieu sauvage et romantique, se dressait le domaine de Jimmy Page. C'est là que je le retrouvai. Il me reçut en toute simplicité et dans son kilt à carreaux verts du plus bel effet. Il m'attendait dans la cour pavée de granit entouré de deux molosses qui se jetèrent sur moi en moins de deux. Au bout d'une minute alors que mon sang coulait partout et que je souffrais énormément, Jimmy eut la bonne idée de rappeler ses chiens. Il déclara, convivial et les cheveux au vent, qu'il serait temps qu'on rentre afin qu'on me soigne et que je me mette près de l'âtre pour me sécher sans mettre du sang partout. Dans la grande salle intérieure, du bois brûlait dans la cheminée. Au loin, l'orage grondait.

 

Putain, ils sont cons vos cleps !
Moi, je les aime bien. Et puis j'en ai bien besoin dans ce trou perdu. On se méfie jamais assez.

Jimmy, vous trouvez pas qu'on n'est pas gâtés question météo ?
Superbe au contraire ! Et puis si ça se met au beau après ce déluge, y'aura sûrement des champignons.

Vous allez aux champignons ?
Bien sûr. Une fois par trimestre quand il a fait soleil. Mais faut les connaître.

Vous êtes un spécialiste ?
Un peu oui. Avant, j'avais du mal. Puis j'ai fait un stage récemment. Maintenant je confonds plus l'amanite phalloïde et la tue-mouche.

Vous avez toujours ce temps ici ?
Non. Seulement entre deux ondées.

Elle est impressionnante votre propriété !
Et encore vous n'avez pas tout vu.

Y'a pas que la maison ?
Non. En plus des 2 800 m2 de la maison, je possède un domaine de 204 hectares, trois demeures meublées, un pub au village voisin et un groupe foklorique de 35 musiciens du domaine : "les Cornemuses et les tambours du comté de Ness".

Et le monstre du lac, il vous appartient ?
Non. L'état n'a pas voulu me le vendre.

J'aime bien votre kilt, Jimmy !
Oui, moi aussi. Les chaussettes sont pas mal non plus. Qu'est-ce que vous en pensez ?

C'est de bon goût. Et puis ces carreaux noir sur blanc, ça va bien avec ce vert-de-gris.
Je veux oui. Ca m'a coûté la peau des fesses cette tenue. Elle est en tartan véritable. Je l'ai achetée au village voisin. C'est fait à la main par des vieilles femmes du clan des McLeod. Je la mets pour montrer aux aborigènes mon attachement à l'idée de nation écossaise.

Vous êtes Ecossais ?
Non, pas vraiment. Mais ma grand-mère jouait de la cornemuse.

Vous avez quelque chose sous votre kilt ?
Bien sûr, qu'est-ce que vous croyez ? On fait pas du hard-rock si on a pas quelque part du répondant.

Jimmy, parlez-nous de Led Zeppelin ? D'où vient ce nom ? Il paraît que c'est Keith Moon, le batteur des Who qui l'aurait trouvé ?
Pas du tout ! Un soir avec Robert on regardait la catastrophe de l'Hindenburg à la télé et il m'a dit : "Putain, Jimmy, Hindenburg, ça ferait un chouette nom pour notre groupe ". J'ai dit : "Non, Robert. Ca ferait penser à un maréchal et quelque part ça serait aussi nul que de choisir "Pétain".

Vous aviez bigrement raison.
J'ai ajouté : "Et puis ça risquerait de faire penser à une catastrophe et ça jouerait contre nous !" J'ai rajouté : "Souviens-toi du groupe Titanic. Il a fait un album puis a sombré !"

Bien dit, Jimmy !
Alors, j'ai pensé devant ces images choc que le mot "zeppelin" seul, ça sonnait super bien pour notre groupe ! J'explique : Vous avez d'abord le symbole du truc qui vole. Puis celui du truc qui brûle. Celui qui vole, c'est l'idée de légèreté, le côté planant de la musique, vous me suivez ?

Bien sûr.
Et puis le machin qui brûle, c'est les flammes pour le côté brûlant de la musique, super non ?

Oui… Et le mot "led" ?
Ca vient de plombé en anglais.

C'est pas "lead" ?
Oui mais "led" ça sonnait mieux. Alors j'ai trouvé "Led Zeppelin".

Ca interpelle, pas de doute… Mais pourquoi "plombé" ?
Le plomb c'est lourd comme notre musique ! Comme le metal que je venais d'ailleurs d'inventer.

Vous avez inventé le metal ?
Pas exactement. Plutôt le hard-rock mais c'est du pareil au même !

C'était une chouette idée le nom "Led Zeppelin" !
C'est sûr. En tout cas plus que le premier nom que j'avais trouvé.

Quoi donc ?
The Mad Dogs.

En effet, c'est pas terrible. Et puis ça me fait penser à Joe Cocker.
Qui ça ?

Celui qui a fait justement l'album "Mad Dogs and Englishmen".
Ah oui, je me souviens maintenant. C'était le mec qui chantait avec les mains et avait des rouflaquettes d'enfer !

Oui. C'est ça.
On aurait pu confondre en effet. En plus j'ai composé un truc appelé "Black dog". Ca aurait pu prêter encore plus à confusion.

C'est sûr. Et le génial "Stairway to heaven" comment vous est venu le thème ?
Tout simplement, un jour que je promenais dans la nature près du domaine, la crinière au vent, le kilt agité, l'oeil aux aguets et l'esprit en éveil tout en écoutant "Mull of Kintyre" sur mon walkman. Vous savez il y a des lieux où souffle l'esprit et celui-ci en est un. On raconte même que c'est dans ces vallons austères que Shakespeare aurait écrit "Macbeth" et Fish aurait formé le groupe Marillion. C'est normal alors que tout me vienne d'un coup et simplement. Quand je suis rentré au domaine, je me suis mis à ma guitare et en cinq minutes le morceau était fini et j'ai pu regarder Benny Hill à la télé sans rater le début !

Pourtant, j'ai lu quelque part que vous avez été inspiré par un titre de Randy California.
Je connais pas ce type.

Vous auriez tourné avec Led Zeppelin en première partie de son show. Et ce serait le titre "Taurus" qu'il avait enregistré deux ans avant vous.
Y'en a qui écrivent n'importe quoi !

En plus il paraît que la progression des accords rappelle un titre du groupe Chocolate Watchband.
Pourquoi pas Yaourt Danone pendant qu'on y est !

On dit même aussi que le solo ressemble à celui de "All along the watchtower" d'Hendrix.
Oui et j'aurais peut-être piqué celui de "Good times bad times" sur le Requiem de Mozart ? Soyons sérieux voulez-vous.

Peut-on espérer une reformation de Led Zeppelin, incessamment sous peu ?
J'en aurais bien envie mais malheureusement, rien n'est simple. Faudrait que Bonzo ressuscite. Là ce serait possible.

Pourquoi ne pas embaucher un autre batteur ?
Vous rigolez ! Led Zeppelin c'est pas les Doors ou les Stones. Un membre meurt, le groupe s'arrête. Led Zeppelin avait une identité, une âme. C'était un groupe, un vrai. On ne peut pas penser à Led Zeppelin sans imaginer Robert, John Paul, Bonzo... et surtout moi !

Et John Paul Jones, pourquoi il ne vous rejoint pas ? A trois ce serait pas mal, non ?
Il refuse toujours et se cache derrière des excuses du style : "Je veux pas jouer les tribute bands".

Ah bon ?
Parfaitement comme si Robert et moi on faisait rien que du néo-zep. C'est ridicule.

En effet… Quels sont vos projets dans l'immédiat ?
Avec Robert on va reprendre les anciens titres de ledzep en musique brésilienne.

Comment ça ?
Oui, je trouve que nos titres sonneront super bien en bossa nova. Pour l'occasion on embauchera un orchestre carioca que j'ai découvert récemment lors d'un voyage à Rio. Les mecs, ils sont hyper forts. Ils jouent même au foot avec des boîtes de conserve. On ajoutera peut-être une danseuse de carnaval à poil. Mais c'est pas encore décidé, faut voir avec Robert.

Vous vous entendez bien tous les deux ?
Pas de problèmes. D'ailleurs je l'invite souvent ici. On oublie la musique. Il adore mes chiens parce qu'ils sont très joueurs, voyez-vous !

Ah bon ? J'avais pas remarqué.
En plus, avec Robert, on va faire des balades et aussi ramasser les champignons. Bon, si je le laissais faire, il nous empoisonnerait mais on s'éclate, c'est sûr ! Même s'il est déjà parti le lendemain matin à la première heure.

C'est impressionnant cet endroit où vous habitez, Jimmy !
Pour sûr ! Cette baraque appartenait à Aleister Crowley, le célèbre mage sataniste. Elle a été construite sur les restes d'une ancienne église dont l'incendie avait tué tous les membres.

C'est horrible !
Oui. Et depuis il se passe des choses étranges ici. Il y a plein de mauvaises vibrations mais c'est pas pour me déplaire.

Ca fout la trouille !
Un peu de whisky pour vous remonter ?

C'est pas de refus.
Figurez-vous que certains soirs, j'entends rouler dans l'escalier la tête d'un homme décapité il y a quelques siècles !

Vous n'avez pas peur ?
Non. Mais quand elle tombe, elle fait un boucan du diable. Ca m'empêche de dormir. Et moi, si je dors pas, je peux plus composer.

Et alors ?
Je suis obligé de prendre des vieux remèdes du pays pour retrouver l'inspiration. J'ai déniché une recette dans un grimoire de ma bibliothèque. Il appartenait à Crowley d'ailleurs. C'est écrit en runique…

Le runique ?
C'est un alphabet très ancien à base de signes.

C'est quoi cette recette ?
Il faut écraser des yeux de hibou dans une mixture à base de bave de crapaud mêlée à de la poudre de cantharide…

Hein ?
C'est une mouche habituellement ingrédient indispensable à la réussite de toute orgie qui se respecte !

Ah bon ?
Oui. Mais ça peut s'utiliser pour l'inspiration aussi. D'ailleurs moi y'a longtemps que je l'utilise plus que pour ça. Pour la recette, il faut ajouter aussi du sang frais de chauve-souris soigneusement égorgées. Mélangez le tout et laissez mijoter une bonne heure un soir de pleine lune.

C'est bon ?
La dernière fois que j'en ai pris j'ai eu la crève une bonne quinzaine.

C'est efficace ?
Pas vraiment. J'avais essayé ça pour composer les titres de l'album "Walking Into Clarksdale ". Mais j'ai peut-être oublié de faire mijoter un soir de pleine lune.

Oui, c'est sûrement ça.
En tout cas, moi, j'aime cette baraque. Figurez-vous qu'il paraît même que le concierge de Crowley était devenu fou et qu'il a tenté de tuer toute sa famille et depuis il erre la nuit autour de la maison, une hache à la main en poussant des hurlements terribles.

Dehors, la pluie continuait de plus belle et les éclairs zébraient le ciel noir l'illuminant dans le fracas assourdissant du tonnerre.

Je frissonnais…

Et ce Crowley, c'était qui ?
Un sorcier. Il dansait la nuit accompagné de démons.

Où cà ?
Ici dans la maison. Il avait de sacrés pouvoirs. Un jour il a même réussi à faire disparaître son reflet dans la glace d'un miroir. En principe, quand il pleut fort, il vient me rendre une petit visite. D'ailleurs, il ne saurait tarder.

Bon, euh… Jimmy, c'est pas tout ça mais, euh… il se fait tard et, euh… j'ai peur de rater mon car pour Glascow.
Vous n'allez pas partir comme ça sous l'orage ? Vous devriez rester passer la nuit ici.

Non, merci !
Dommage. J'avais de la panse de brebis farcie à la menthe pour souper.

C'est très aimable à vous mais j'ai un car à 18 heures.

Alors, après avoir évité de justesse les deux molosses, je quittai Jimmy Page et je pris mes jambes à mon cou. J'arrivai rapidement à l'endroit où j'avais mon car. Durant le trajet qui me ramenait à Glasgow, épuisé, je finis par sombrer dans un profond sommeil. Un cauchemar m'envahit alors : perdu en pleine nuit sur la lande balayée par les vents, je voyais Jimmy Page qui portait, en rigolant, sa tête sur un plateau d'argent puis la lançait dans les escaliers alors qu'en bas, Aleister Crowley applaudissait tout en se regardant dans un miroir où apparaissait mon visage tandis que le monstre du Loch Ness, vêtu d'une robe de bure, poussait des hurlements terrifiants en jouant "Stairway to heaven" avec un archet sur une guitare électrique. Quand je me suis réveillé, je me suis alors juré de laisser définitivement tomber le sale boulot de rock-critic. Dorénavant, je vais essayer de me faire embaucher par "Rustica" ce sera sûrement moins risqué ! _____________________________ ___________

l'image du jour

Un moment dans l'exaltant quotidien écossais de Jimmy Page !



C'est l'heure de la promenade dans les Highlands.