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Pourquoi pas propane ?

Francis Cabrel
Sarbacane (1989)

 

Avis au lecteur :

Aujourd'hui pour me coltiner la chronique de ce disque (qui n'en sera pas une en fait) et ne reculant devant aucun sacrifice, je me suis moi-même rencontré (de mon vrai nom Eric) chez moi dans le HLM de mon charmant et paisible bourg provençal baigné de cigales et serré entre l’incinérateur, l’usine métallurgique et le chemin de fer. J'étais installé devant mon PC écoutant un Stabat Mater tout en écrivant ma deux cent troisième chronique d’album de Miles Davis et regardant une vidéo de Neil Young tout en notant les nouvelles chroniques à faire en rangeant mes disques de metal-prog alors que je téléphonais à ProgRecords pour commander un live de James LaBrie unplugged at Marvejols.

 

Salut Eric, ça va ?
Pas vraiment. J'ai les boules.

Comment ça ?

Figure-toi que j'ai pas encore reçu le double CD du live de Mange La Valise enregistré l'été dernier en concert à Rodez.

Ca, c'est con.
Tu l'as dit bouffi.

Dis-moi, Eric, c'est vrai que tu adores Cabrel ?
Pour sûr. Même que j'ai tous ses disques à la maison. Cabrel est définitivement l'Empereur de la poésie - avec Christophe Maé, peut-être. Je sais plus si c'est Cabrel ou Maé qui a dit : "dormir sur des paquets de planches". Remarque, c'est peut-être moi.

"Sarbacane" de Francis Cabrel serait en plus un disque important pour toi, c'est une blague ?

Pas du tout.

Peux–tu raconter pour nos nombreux lecteurs l’intérêt que tu peux porter à ce disque en fait pas plus primordial que "Raqué comme jamais" de Gims.
Si tu veux mais cinq minutes, pas plus. Je dois encore écrire la chronique du dernier Soprano avant "Les Reines du shooping".

Merci.
Eh bien, figure-toi qu’il est à part parmi les milliers que j’ai écoutés car je l'entendais beaucoup lors d'un été torride, alors que j’étais parti au bord de la mer qui, au ciel d´été confond ses blancs moutons avec les anges si purs, faut le faire !

En effet.
Je passais, bercé par les jolies mélodies cabrelisantes, quelques jours de bronzette, paix, amour et musique.

Comme à Woodstock ?
Presque... la boue en moins et ces vacances furent pour moi des instants inoubliables. Ah, quels moments d'intense émotion ! Quelle extase ! Quelle félicité ! Quel délice ! Quelle béatitude ! Quel ravissement ! Quelle heure est-il ?

Moins cinq. C'est bientôt l'heure de goûter.
C’était le bonheur et la joie sur la musique de ce "Sarbacane" où sont enfin finis les matins paupières en panne, lourdes comme des bouteilles de butane.

Et pourquoi pas "propane "?
Non, c'est "butane".

Pourtant "propane" ça rime bien avec "panne".
Vois-tu, c'est du Cabrel et Cabrel, c'est ça : prendre certains risques avec la poésie.

Et si je peux me permettre, je rajouterai que la poésie, n'est-ce pas quelque part, créer ce que jamais nous ne verrons ?
C'est certain que Cabrel n'a jamais vu de bouteille de butane.

T'es sûr ?
Ouais et ce disque écouté sur ces plages idyliques, a pour moi une grande valeur sentimentale. Je l'écoute souvent aujourd'hui dans le quotidien, dans la banalité, dans ma bagnole et les brumes matinales. Et chaque fois me revient à l'esprit ce passé à jamais révolu. Permets que je verse une larme.

Je t’en prie.
Figure-toi qu'à peine j'entends "Tout le monde y pense où y'a des gens plein les urgences sous les lumières des abats-jour", et me revoilà parti quelques années en arrière...

Y'a des abats-jour dans les urgences ?
Putain, si tu m'arrêtes sans arrêt, j'y arriverais jamais, c'est sûr.

Excuse-moi. Continue.
Alors je cours au ralenti sur la plage de sable chaud, les mollets tendus et les abdominaux rentrés, le sourire aux lèvres, la dent blanche et saine, le cheveu plein d’embruns et le bronzage naissant. Que n’avais-je un camescope pour graver dans la postérité ces instants magiques ?

C'est vrai, c'est dommage.
Je plonge, éphèbe musculeux dans les flots impétueux, et me voilà parti dans un crawl torride sous le regard admiratif des touristes ventripotents et grillés de soleil. Je réécoute "Le pas des ballerines avec dehors le soleil médecine aux crinières des chevaux" et je vois un soleil incarnat, corps céleste imposant se noyer dans l’horizon bleu-mordoré d’une mer sereine mais toujours recommencée.

C'est de Cabrel ?
Non.

C'est beau quand même.
Et je me dis : O lumière ! Où vas-tu ? Globe épuisé de flamme, nuages, aquilons, vagues, où courez-vous ? Qu’est-ce que j’ai fait de la pochette de ce putain de CD ?

Euh... Tiens, je la vois, là !
Où ça ?

Ton cabot s'était assis dessus.
Con de chien !

Pauvre bête.
Ce "Sarbacane", vois-tu, je l’écoute, tout me revient et plus besoin de phrases ni de longs discours, ça change tout dedans, ça change tout autour.

C'est de toi ?
Non, c'est de Cabrel.

C'est beau quand même.

Tu veux que je te chante un petit truc de ce super disque pour finir ?

Euh non, il faut que j'y aille, là, de suite. Il est tard, c'est con, tout est précaire, et je sens que l'automne se consume là-bas quand je sais que le feu dévore les berges de Garonne où les arbres flamboient.
T'emportes pas "Sarbacane" ?

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l'image du jour
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Francis interpelle Céline !

- Dis moi, Céline, les années ont passé. Pourquoi n'as-tu
jamais pensé à chanter ?
- Ah oui, c’est vrai ça, pourquoi ?